29 déc. 2011

Le mystérieux pouvoir de la neige


J’aperçois d’un hublot le léger manteau blanc qui enveloppe le Québec tout en entier comme un voile fin.  Il me semble que j’entends Charlebois chanter « Je reviendrai à Montréal / Dans un grand Boieng bleu de mer/ J’ai besoin de revoir l’hiver/ Et ses aurores boréales… »

Quinze mots qui englobent le bonheur complexe de retrouver la neige, cette neige qu’on désire autant qu’on déteste.

Un dernier coup d’œil sur ce tableau figé et je sens les frissons dans mon cou.  Je vais avoir froid.

En Nouvelle-Calédonie, je savoure les regards épouvantés lorsque je laisse tomber avec nonchalance que chez nous, il n’est pas rare qu’il fasse moins 25. 

« Quoi?!  Moins 25? », lancent certains comme s’il prenait la mesure de l’abominable homme des neiges chaussés de bottes à poils avec talons hauts.  Je suis toujours assez fière de laisser tomber cette petite statistique sur le grand froid.  Je deviens alors la coriace « canadienne », la tough qui encaisse les journées glaciales comme un joueur du Canadien qui garde la tête haute pendant le chemin de croix des défaites.  Y’a rien là.  On va se rendre aux séries le printemps venu. 


Tout le monde sait que la meilleure façon d’affronter l’hiver, c’est de se jeter à corps perdu dedans.  Enfiler les pelures et courir un petit 5 km.  Faire de la raquette pas de mitaines avec le manteau ouvert.  Les ados rajoutent aussi celle-ci :  quelle que soit la température, ne jamais porter autre chose que des Nike ou des Vans dans les pieds.  Les bottes, c’est pour les matantes.






 Autre truc :  retirer chaussures et chaussettes et foncer dehors pour courir dans la neige. C’est la version nordique du fakir qui marche sur des charbons ardents :  on se brûle la plante des pieds en s'épivardant pendant de longues minutes comme des poules pas de tête autour de la maison.  On revient essoufflés mais gonflés à bloc, avec les petons incandescents.  Bizarre comment la neige peut vous réchauffer!







26 déc. 2011

Manteaux, manteaux!

J’ai fait ma valise pour le Québec en ne sachant pas trop ce que j’allais y mettre.  Depuis 15 mois, je ne possède qu’une paire de bottes cowboy lilas acheté chez Winners.  Pas évident de composer une garde-robe de voyage avec du lilas aux pieds…

Si ce n’étais que ça!  Je n’ai ni gros pulls, ni chaussettes (sauf celles pour aller jogger).  Un legging et deux paires de jeans.  Mon pantalon d’équitation.  Quelques t-shirts.  Voilà!  Une valise minimaliste sous le bras pour aller affronter le mois le plus froid de l’année au Québec :  janvier.

Même dilemme pour les enfants qui ont usé leur linge à la corde.  Pas trop exigeants, ces ados-là!  On roule en claquettes ici.

On est arrivé à Paris avec nos petites pelures pour se tenir au chaud.  Mais rendus chez Marie en Savoie, oups!  un mètre de neige et on était, comme le veut l’expression québécoise, « faites ». 

« Ce n’est pas grave, je vais voir ce que j’ai dans mes placards ! », nous a rassuré Marie dans un élan d’efficacité.

Telle un prestigitateur, elle a sorti une demi-douzaine de manteaux de son chapeau.  Elle dispose d’un inventaire impressionnant ce qui lui a permis de tenir un pari ambitieux :  habiller une famille néo-calédonienne de 5!

Nous étions, disons les choses simplement, assez « colorés ».  Un « one-piece » rouge pompier pour moi, un manteau Coca-Cola pour Lulu, un pantalon chaud pour Princesse des îles… On a acheté quelques articles chez Décathlon.  Nous n’avions pas la dégaine des touristes russes richissimes qui posent à Courchevel mais on avait la classe d’avoir des amis incroyablement généreux qui ont non seulement hébergé une famille dans leur chaleureuse maison en fournissant couverts et bon vin…Ils ont aussi eu un cœur assez grand pour ouvrir leurs placards et nous habiller de pied en cap.







Marie la magicienne!
Voici les meilleurs moments de cette séance « manteaux-manteaux »!

25 déc. 2011

BONNE fêtes....et sachez digérer le petit écart avec le bon usage des règles du pluriel. 
Quand est-ce qu'on arrive?

« On part quand au Québec? »

Une question posée plusieurs fois par semaine, multipliée par trois enfants.  Presqu’un refrain auquel je répondais invariablement :

« On part le 17 décembre pour la France.  On y passe 5 jours.  On reprend l’avion le 23 et on arrive pile pour Noël chez nous».  J’ai décrypté les dates, refait l’itinéraire sur un tableau imaginaire, remâché la réponse en y ajoutant le petit « wooh hoo! » pour apaiser le bouillonnement de mes trois chéris.

À une semaine du départ, ils ont chacun leur tour émis un commentaire plutôt…étonnant :

« Pourquoi on va en France?  On devrait aller directement au Québec! », dissertent-ils lorsqu’il est question des grandes vacances.

Je reste bouche bée.  C’est comme si le Grand Antonio repoussait son assiette pour dire qu’il était repu. 

Mes enfants lèvent le nez sur la France!  Cette France que j’aime, que je chéris, qui me plonge dans la nostalgie de ma petite année passée à Strasbourg.

Pour eux, il s’agissait plutôt d’un fossé à franchir avant les grandes retrouvailles.  Une interlude imposée avant de plonger dans le tourbillons de la bande d’amis.  Un détour où ils s’imaginaient en train de ronger leur frein en chiquant un bout de baguette.

Mais sitôt arrivés en France, mes trois ados ont vite fait de mettre le Québec en veilleuse.  C’était le Walt Dysney du patrimoine :  dès le premier château de la Loire perchée sur une colline, les écouteurs du Ipod sont tombés et les exclamations ont fusé.   

Ils n’oublieront pas de sitôt leur baptême de l’Hexagone :  nous avons logé chez des amis, Marie et Xavier, eux-mêmes à la tête d’une petite tribu de trois garçons âgés de 8 à 12 ans. 
Ski dans les Alpes, promenade à Lyon et tablées bien animées.  Tous les ingrédients d’un beau voyage.  


















23 déc. 2011

Pause-Québec: Gougounesettalonshauts part en raquettes!


Il y a 15 mois, j’ai eu la chance inouïe de mettre ma vie professionnelle entre parenthèses.  Je suis passé d’un statut de journaliste sautillant d’un deadline à un autre à une occupation beaucoup plus contemplative :  retraitée technique et blogueuse récréative.  Il m’a fallu quelques semaines, voire même quelques mois, pour m’imbiber de ce nouvel état zen.  La position du lotus et le salut au Soleil n’ont pas suffit à me révéler immédiatement les riches couleurs de la cultures mélanésiennes dans laquelle j’évoluais.  Je suis encore une touriste qui bat des mains en comptant les bébés requins du lagon mais je compte bien graduer au cours des deux prochaines années au rang des « aventurières ».  Je veux franchir les pans de ce décor luxuriant pour entendre battre le cœur des gens.  


J’ai conscience en ce moment de traverser une forêt enchantée, un espace foisonnant où les expériences sont toutes aussi étonnantes et colorées.  Je m’étonne de cette plénitude du monde kanak tout en tirant une leçon sur la simplicité de leur mode de vie. 


Je m’apprête à prendre un peu de recul pendant les prochaines semaines en passant cinq semaines au Québec.  Je vais prendre un bol d’air sur le bord du fleuve où nous avons loué une maison.  Le programme ne tient qu’à quelques lignes :  jogger, trinquer, rire et dormir. 
Mon blog n’entrera pas en hivernation pour autant.  Gougounesettalonshauts va vadrouiller en bottes et en raquettes.  J’arrive alors que le Québec est en panne de neige mais je vais quand même flâner tout en gardant les yeux grand ouverts.

15 déc. 2011

Bouboule au pays de la Loyauté

Vous vous souvenez de ma chienne Bouboule?  La crapaude va bien.  Elle vit sur le petit domaine fleuri d’Anne-Marie avec une meute d’une demi-douzaine de chiens, à deux pas de la tribu de Koniambo. 

C’est la plus élancée, la plus racée et la plus gueularde.  Elle jappe en fourrant son museau dans la paume des visiteurs comme pour leur dire, « c’est moi la star, c’est moi la star, c’est moi la star! ».

Assis Bouboule!  Donne la patte!  Et la voilà qui s’exécute, fière de montrer qu’elle a encore des manières.

Nous sommes allés la kidnapper pendant une demi-journée pour le rappel de ses vaccins.  Elle a pris sa position habituelle dans la Dacia, les deux pattes sur le siège arrière pour que je puisse voir sa bouille de clown dans le rétroviseur.  Vous allez me dire que je suis un peu étrange mais je crois qu’elle s’est fendue d’un sourire.

Elle a posé ses longues pattes fines sur la balance du vétérinaire :  13 kilos.  Wow!  Comment a-t-elle pu grossir alors qu’elle est taillée comme un maringouin? 

Revenue à la maison, elle s’est couchée sur le bord de la porte.  Le temps s’est arrêté.  Je me suis remise à discuter de tout et de rien avec la bête à poils.   

Lorsqu’elle est retournée auprès de sa nouvelle maîtresse sur l’heure du dîner, elle s'est pressée contre elle pour me prouver qu’elle avait réussi à se refaire une vie de chien.

Je suis retournée hier à Koniambo pour ramener Anne-Marie chez elle.  Bouboule a foncé droit sur moi en fourrageant son museau dans ma main.  J’ai fait pleuvoir les caresses pour calmer sa frénésie puis, je suis remontée dans ma Dacia.  Tous les chiens de la meute m’ont regarder filer sur le chemin.  Tous sauf…Bouboule.  Mon hyper-active a commencé par cabrioler avec vacarme  pour dire au revoir.  J’accélère pour finalement atteindre 50 km/hr et elle galope toujours comme une antilope.  60 km/hr et elle ne flanche pas.  Il y a de la détermination dans sa foulée, l’air de dire, « je n’ai jamais vu neiger mais je sais comment la semer celle-là! »  Ma cabochonne dans le miroir de mon rétroviseur a l’œil vissé au mien. Ce regard me donne toute la mesure de sa loyauté.  Au bout de deux kilomètres, je me range sur le bord de la route, j’ouvre la portière arrière et Bouboule reprend sa place habituelle, les deux pattes accrochées au dossier.

Demi-tour vers Koniambo.  Loin d’être ébouriffée par son sprint, elle retourne au milieu de sa meute, fraîche comme une rose.  Anne-Marie secoue la tête :  elle n’a pas fini de lui en faire voir de toutes les couleurs, celle-la!

13 déc. 2011


                                            La petite histoire de Roes

Ce n’est pas d’hier que la Nouvelle-Calédonie accueille les expatriés.  Laissez-moi vous raconter l’histoire des Vérons.

Dans les années soixante, la famille se laisse tenter par l’aventure dans le Pacifique.  Le clan boucle ses valises et dit adieu à son patelin du nord de la France.

Parmi les enfants, Monique, 11 ans.  Entourée de ses frères et sœurs au port de Marseille, elle embarque sur un grand paquebot.  Au loin, la ville du soleil n’est plus qu’un point blanc lumineux qui finalement disparaît.  Ce sera son dernier regard vers sa patrie. 

La petite tribu mettra 45 jours pour accomplir cette grande traversée vers le caillou.  Monique  garde un souvenir heureux de ce voyage émaillé de rires et de jeux comme dans un film de Marcel Pagnol.

Toute la famille débarque à Nouméa pour un bref passage.  Puis, après court séjour à Bourail, c’est dans la province nord, plus précisément à Koné, qu’ils posent définitivement leurs valises.

Koné n’est alors qu’ une minuscule bourgade qui ne compte que deux magasins.  La famille de Monique arrive au bon moment :  il y en a justement un qui attend un repreneur. Nous sommes en 1972.

Pas de publicité, que du bouche à oreille :  on fait désormais ses courses chez Vérons.  Ne cherchez pas l’enseigne, tout le monde connaît.

Au même moment où la famille prend racine à Koné, Monique rencontre celui qui deviendra son époux,  un certain Roes.  Elle a alors 18 ans.

En 1980, Papa Vérons est bien établi dans la commune et il juge que le temps est venu de passer le flambeau à sa fille Monique.  Une nouvelle ère commence et on pose le nom du jeune couple sur une enseigne:  ROES.  La peinture s’est écaillée depuis mais les affaires ne se sont jamais effritées.

Le clan Roes a grandit : quatre enfants et six petits-enfants, tous tricotés serrés.  Monique n’a jamais senti le besoin de retourner dans sa France natale.  Sa vie est ici et les projets sont nombreux.  Comme son père l’a fait 30 ans plus tôt, elle et son mari passeront le flambeau.  

Le magasin sur la rue Principale sera démoli dans quelques semaines.  La fin?  Bien sùr que non!  Il s’agit d’un nouvel envol.  Cette vénérable devanture fera place à des logements et à deux autres magasins, dont un appartient à son fils.  Le marché d’alimentation sera réouvert sur l’autre coin de rue, en face de Koné Centre. 

Je termine en vous confiant ceci :  alors qu’elle était sur le paquebot, la jeune Monique n’a jamais regardé la ville du soleil disparaître à l’horizon. Elle jouait sur le pont lorsque Marseille s’est évanoui dans la Méditerranée.  Mais elle a lâché ses poupées pour scruter longuement le profil du Caillou au terme de son long périple de 45 jours en mer.  Les massifs de la Nouvelle-Calédonie se sont alors imposés  à elle dans toute leur splendeur, lui révélant que tout était possible ici.  Et je crois qu’elle n’a jamais oublié cette vision.
                       La corde à linge à longueur d’année

La cordée de bobettes 12 mois par année, n’est-ce pas là le vrai bonheur calédonien? 

Cuisiner en se faisant surprendre par un gecko miniature accroché dans la botte de persil et rire à en perdre le souffle…

Ne plus avoir à porter des cols roulés.

Sourire quand il mouille et se dépêcher d’enfiler ses baskets pour aller courir sous cette douche improvisée.

Y’a pas d’soucis, mon kiki.

Combien de fois vous ai-je dit que c’était paradisiaque, le Pacifique?  La mer, le lagon, l’abondance des sourires.  S’il y avait un Winner’s et un Pharmaprix, je pense que je ne déménagerais plus.  Le paradis pour l’éternité.

Mais l’éternité, y’a des fois où c’est très long.

Ça commence subtilement.  Je me surprends au beau milieu d’un moment d’insouciance, celui  où «la maîtresse de la maison » attrape son verre de rouge en se demandant quel jour on est… et on est lundi, sacrament! 

Lundi!  Je me souviens très distinctement des lundis.  Pas les lundis où on empoigne le fouet pour s’autoflageller en faisant des stops américains jusqu’au boulot, en se rongeant les ongles tout en appliquant son mascara dans le rétroviseur pour finalement s’apercevoir qu’on a l’air d’Amy Whinehouse à 8 heures et quart du mat ‘.

Non, je ne vous parle pas de ces matins là.

Je vous parle des lundis gonflés à bloc avec l’agenda qui déborde.  Les lundis qui commencent en lion.  Le téléphone qui sonne et qui vous donne envie de danser comme dans un clip de Behoncé.  La première gorgée du café Tim Horton juste avant de lancer votre combinaison aérobique de bonjours et de bises à la ronde.  Les lundis où vous sortez votre nouveau power kit avec la paire de talons canons.

Ces lundis là…

Ce jour-là n’existe plus sur mon calendrier.  Pas depuis que je suis expatriée, femme de Chéri.  Ce n’est pas sa faute, c’est moi qui ai signé un engagement stipulant que je n’allais pas travailler.  Vous imaginez?  J’ai signé un contrat pour me retrouver dans un vieil épisode de  "Papa a raison".  J’écume ma pile de « Living » de Martha Stewart et je cuisine des desserts avec des kilos de beurre arrosé de lait concentré sucré.  JE N’AI JAMAIS FAIT ÇA DE MA SAINTE VIE AVANT!! 

C’est étrange comment j'emploie tout ce temps libre à détricoter méthodiquement  mes beaux projets d’écriture, mes photo-reportages et autres safaris sociologiques qui devaient propulser ma nouvelle carrière de « free lance »  (« libre de glander », ça doit être ça la traduction…) dans la stratosphère professionnelle où gravitent Oprah, Laurence Ferrari  et Sophie Thibault.

Lorsque je m’assoie, j’entends la laveuse qui claironne pour m’annoncer qu’il y a une brassée prête pour décorer la corde à linge, un frigo vide (et sale) qui doit être ravitaillé et trois enfants avec des horaires de premier ministre qui attendent d’être conduits d’un bout à l’autre de Koné.

J’aime mes enfants plus que mon cellulaire de fonction, c’est vrai, mais laissez moi dire une chose aussi éhontée qu’ahurissante :

Ce cellulaire me manque!

Voilà, c’est dit.  Ce cordon à la vie professionnelle n’existe plus, il est bel et bien rompu pour encore quelques années et il faut s’y résoudre.  Prendre une pause peut s’avérer être une expérience douloureuse mais oh, combien nécessaire.  Se balancer ainsi dans le vide fait terriblement peur.  Mais c’est ainsi perchée entre deux vies qu’on déploie une nouvelle assurance.  Il y a encore un plancher sous mes pieds même si je ne touche pas un chèque de paie.  On partage les tunes de Chéri, c’est choc, non?

En apnée pendant 3-4 ans…Je pense que je vais devoir me faire greffer des branchies si je veux passer à travers cette pause-carrière. 

Rester zen.  Décrocher enfin ce certificat bidon en ressources humaines à Teluq.  Peindre des faces de clowns et les offrir à tous mes amis.  Tisser des liens en me lançant dans la vente de Tupperware.  Et pourquoi pas?  Apprivoiser les subtilités du télémarketing.  Il y a tant de défis à relever en attendant de retourner dans l’arène des médias.

Mais d’ici là, je pars dans moins d'une semaine en vacances au Québec en faisant un petit détour par la France.  Je suis crevée et j'ai besoin de repos ;)

4 déc. 2011

L'ennui

Vous avez déjà fait connaissance avec l’ennui?  Vous savez, l’ennui profond, l’ennui des dimanches pluvieux et des rues désertes, l’ennui de la disette télévisuelle et de la pénurie d’amis, l’ennui en pleine panne internet…Rien ni personne pour vous tirer de cette torpeur anesthésiante.

On appelle ça l’ennui mortel, c’est peu dire.  Avec un tel épithète, pas étonnant que ça fasse peur.  Et ne comptez pas sur un centre d’achat ni même un complexe de cinémas à 22 salles pour fuir votre ennemi.

Planquez-vous et endurez.  Nous sommes ici à Koné.

Mes enfants ont développé une formidable forme de résilience face à cet état de torpeur.  Ils arrivent à respirer malgré la lourdeur de la chape de plomb. 

Lors d’un petit weekend à Nouméa, Clopinette s’est retrouvée avec des copains qui vivent en ville.  Des ados branchés qui ont pour terrain de jeu l’Anse Vata et la Baie des Citrons. 

« Mais qu’est-ce que tu fais les samedis soirs à Koné? », lui demande l’un d’eux, perplexe devant le mode de vie d’une broussarde de 14 ans et demi.

« On s’organise entre amis, on loue des films sur internet, on fait des fêtes… », synthétise ma jolie Clopinette.

Elle aurait aussi pu ajouter qu’il lui arrive de ne rien faire.  Rien du tout.  Elle se laisse bercer tout doucement par l’ennui en écoutant de la musique, en lisant un livre ou encore en feuilletant un vieux Cosmopolitan. 

Lulu traîne quant à lui sa carcasse jusqu’au rond point et fait du skate pendant une couple d’heures.  Il peaufine les « darkside grind », « 360 pop shuv it », « laser flip » et autres figures inspirantes.

Princesse des îles se lance dans la rédaction d’un roman, rien de moins.  Je la vois penchée sur son bureau, noyée dans son labeur, tricotant les dialogues. 

Ça me rassure de les voir dompter l’ennui.  Je ne les entends pas me saouler avec des "maman, je ne sais pas quoi faire!!! ". 

Ils suivent le conseil à la lettre :  se planquer et endurer.

Bravo, vous irez loin mes chéris!

30 nov. 2011

                    Bon à s’en LETCHER les doigts




Vous avez déjà été tenté dans un Maxi ou un IGA près de chez vous par le letchi (ou litchi-leetchi), ce petit fruit qui a une teinte rouge brunassée?  Vous savez, celui qui ressemble à un minuscule testicule en hérisson qui n’a rien d’appétissant tout en étant hors de prix?

La chose repose toujours dans un minuscule cageot,  posée sur du faux foin, entre les papayes et les caramboles.  Précieux bijoux mais tout de même un peu fané.

Il m’a fallu une année complète avant de pouvoir enfin planter mes dents dans mon premier letchi.  Les cerises chinoises ont été plutôt rares en 2010 :  11 mille kilos pour toute la Calédonie comparativement aux bonnes années où on peut facilement multiplier cette production par 10.

Depuis la fin novembre, les sacs d’un kilo sont écoulés à la vitesse de l’éclair. Les mamans kanaks s’installent près de la route et il n’est pas rare de voir de mini-embouteillages.  Les acheteurs ne passent jamais à côté d’un étal improvisé sans aller pêcher une poignée de 100 francs pour se procurer leur dose.  Un kilo vous reviendra à environ 1000 francs pacifiques, soit un peu plus de 10 dollars.

Comment décrire le goût du letchi?  C’est  l’été en concentré.  On déshabille le letchi, ferme les yeux en humant son arôme sucré et on le gobe tout entier.  Plop!  Vous vous remplissez la bouche d’un goût parfumé à la fraise et aux roses.  C’est simplement divin.

Pour rendre la dégustation encore plus décadante, voici un truc de mon amie So-So :
Prenez quelques dizaines de letchis dénoyautées et mettez les au congélo.  Servez les en guise de glaçons avec votre champagne préféré.  Du bonbon.


Je termine en vous confiant que le letchi a des vertus thérapeutiques.  Vincent, 6 ans, avait un petit chagrin et un gros mal de ventre.  Sa mère me l'avait confié le matin pour que je l'emmène à l'école.  Il fallait bien le guérir, pauvre petit coquin!  Je lui a prescrit 10 letchis.  Vrai comme je suis là, tous ses maux se sont envolés.  Et les petits fruits aussi !



29 nov. 2011

Petite sieste au snack du camping de Poé

La crapule est repue
Une barquette de frites oubliée sous une table 
Quelques rognures de hamburger encore tiède
Un reste de café laiteux
Les clochards sont au paradis en Nouvelle-Calédonie
Celui-ci détonne, le cul lisse comme une fesse
Plus un poil
Rien qu'un rond de cuir offert aux chauds rayons
Les caresses s'arrêtent pile en apercevant ce séant si peu appétissant
Mais le chat s'en fout comme de ses derniers haillons
Il trône tout en haut de ses 12 chaises, le rouquin pelé,
Le roi du snack croqué pendant "son power nap"
On se reverra, petit malin
Fais de beaux rêves
Les miens, je les goûte le cul sur la plage d'à côté
les pieds dans le bleu paradis du lagon.

23 nov. 2011

C'était il y a 10 ans 

Mon fils a eu une sœur en cadeau pour ses 7 ans.  C’était il y a 10 ans, le 24 novembre 2001. 

Princesse des îles est arrivée d’Haïti.  Elle était accrochée à la hanche de Ginette Gauvreau, l’ange gardien de Soleil des Nations qui la ramenait de Port-au-Prince.  Notre nouveau bébé avait un ruban lilas dans ses cheveux clairsemés.  L’œil grave, elle nous a détaillé pendant qu’on s’extasiait devant ses orteils (oui, nous lui avions retirés ses minuscules chaussettes pour voir ses doigts de pied).  Pas un son ne sortait de sa petite bouche couleur aubergine.  Jamais vu une naissance aussi paisible.

Je l’ai glissé dans son habit de neige.  A mon grand désarroi, elle flottait dedans.  Petite puce! 
Elle a esquissé son premier sourire lorsque les portes coulissantes de l’aéroport se sont ouvertes.  Pour la première fois de sa vie, ses poumons s’emplissaient d’air frais.  Elle avait deux ans et trois mois. 

Je lui ai écrit une lettre quelques semaines après son arrivée.  Je la partage avec vous pour souligner ces dix belles années avec la plus incroyables Princesse des îles.  La plus belle aussi!



MÉIKA-DÉSIR

J’étais enceinte de mon troisième enfant et déjà, je planifiais le quatrième. Je voulais adopter. Adopter un enfant en Haïti. C’est un vieux rêve qui me tenaillait. Tout me parlait d’adoption : un article dans le journal, une rencontre fortuite avec une voisine qui avait elle même adopté deux petites haïtiennes, un bébé dans une poussette croisé sur la rue. La vie nous joue parfois des tours puisque Dieu a exaucé mes prières à sa façon : en juillet 2000, j’ai fait une fausse couche. Lors de l’échographie, le radiologiste nous a montré sur l’écran que l’embryon était bel et bien là mais il manquait un élément essentiel: le cœur. C’est à ce moment que j’ai su que ce coeur battait sans doute dans le ventre d’un autre enfant. Nous avons pleuré et puis, nous avons tourné la page. Nous n’avions qu’une idée en tête:  ce troisième enfant, déjà né. Il ou elle était là, quelque part dans le monde et nous irions le chercher.



MÉIKA-DOULEUR.

Accoucher se fait dans la douleur. Je le sais puisque j’ai eu deux césariennes. Mais monter un dossier d’adoption, ce n’est pas une partie de plaisir non plus. Je suis allergique à la paperasse. Pendant des semaines et des semaines, j’ai emprunté les dédales administratifs avec autant d’aisance qu’un aveugle au centre-ville de Hong-Kong. Seule l’évaluation psycho-sociale nous a vraiment plu : c’est un peu comme un cours prénatal où enfin mon mari et moi avons pu discuter de ce projet qui nous tenait tant à cœur. Notre psychologue nous a fait réaliser toute la gravité entourant notre choix. Elle nous a fait réfléchir sur l’avenir de notre famille à 5. Notre enfant n’était plus qu’un simple désir, c’était devenu une décision réfléchie.



MÉIKA-PATIENCE.

Des semaines d’attentes. Les toutes premières… Deux mois après l’envoi de notre dossier, le téléphone sonne enfin. Nous sommes en mars 2001. Ginette nous met enfin en lien avec ce bébé que je porte entre mes deux oreilles, puisque c’est là où se fait la gestation. J’avais choisi un nom, Marie-Maxime, mais son identité s’est imposée tout naturellement : Méika. C’est joli comme une plage ombragée. Méika. Notre petite princesse est à l’orphelinat de Sœur Marie Véronique à Port-au-Prince. Elle a 19 mois, elle marche. C’est tout ce que je sais d’elle. Je me réveille la nuit en pensant à mon enfant. Il m’arrive aussi – oh, plaisir sublime ! - de rêver que j’étreins son petit corps entre mes bras. Lorsque j’ouvre les yeux le matin, je ne bouge pas pendant de longues minutes pour garder intacte cette sensation de chaleur que j’avais quelques instants plus tôt. Nous attendrons notre bébé pendant 8 mois. 8 longs mois pendant lesquels la vie continue sans pour autant être pleine et complète. 

MÉIKA-JOIE.

Elle est ici depuis novembre 2001, autant dire depuis toujours. Je ne reconnais plus le bébé qui est arrivé le 24 novembre dernier, accrochée à la hanche de Ginette. Elle ressemblait à un petit chaton : elle était douce et chaude, mais tellement perdue. Son regard était grave, ses gestes, petits et calculés. Nous étions là, mon mari, Ludovic, Clothilde et moi, comme des pieuvres, à vouloir cueillir son regard ou même à espérer gagner à la loterie du premier sourire. Mais voilà, son premier sourire, Méika l’a esquissé lorsqu’elle a senti le vent frais sur son visage, en quittant l’aéroport. Je l’imagine encore, dans son habit de neige trop grand. Cette nuit là en arrivant chez nous, nous avons couché pour la première fois nos trois enfants, chacun dans leur lit. 



MÉIKA CHAMPAGNE

Celle qui s’étale comme une fleur sur la neige à déguster les flocons avec le bout de sa langue, c’est elle. Celle qui a le don d’attirer tous les regards dans un dépanneur en lançant des ‘’salut’’ à la ronde, même au monsieur barbu, c’est encore elle. Celle qui devient hystérique en sautant de joie sur le divan aussitôt que son père se pointe après sa journée de travail, c’est toujours elle. Méika aime les gens, elle déteste cependant leurs caresses envahissantes. Elle rit aux éclats mais elle exprime aussi la colère et la tristesse. Elle est joueuse mais elle se ne se laisse pas marcher sur les pieds. C’est un être complet, complexe, vivant et pleine d’assurance. Mon plus beau cadeau, c’est lorsque je l’entends énumérer pour elle-même toutes les étoiles de son univers, tous les noms des gens qu’elle connaît : papa, maman, Ludo, Clothilde, Paluche (le chat), Rococo (l’oiseau), grand-papa, mamou (le surnom qu’elle donne à ma mère), Rachel (sa cousine)…il y en a au moins une douzaine. Elle compose son univers et le décline comme pour se rassurer. 





Avec ce lexique enfantin qu’elle garnit jour après jour, il demeure cependant toujours un mot qui me renverse plus que tout autre : chaque fois qu’elle enroule ses petits bras autour de mon cou et me dit, en plantant son regard dans le mien : " Be-tem… ". Ce qui veut dire, avec l’accent d’une coquine de 2 ans et demi, " je t’aime ".



19 nov. 2011

14 nov. 2011

Réseau Contact

Boum-boum-boum!

Ça cogne à la porte.  C’est notre nouveau voisin, Daniel, qui a besoin d’une perceuse.  

« Ah, c’est toi mon nouveau voisin? », lui dis-je en lui collant la bise gauche-droite.  C’est comme ça ici, on donne la bise aussi facilement qu’on offre une bière au Québec.  C’est un automatisme.

Je sors la perceuse et il repart avec son kit Black & Decker sous le bras, heureux comme un gamin dans une allée de Toys’R’Us. 

Moins de 24 heures plus tard, je trinque au rouge en faisant connaissance avec sa blonde Annie.  C’est à mon tour d’être heureuse.  Nos enfants respectifs ont, comme à leurs habitudes, déjà élaborer un « hi-five » complexe qui ressemble à une chorégraphie des Back Street Boys.  Ça connecte vite ici.  Si vous faites un BBQ dans votre cours, achetez de la saucisse pour un minimum de 45. 

C’est ce que j’appelle « RéseauContact ».   Il n’y a pas 36 façons de se faire des amis, c’est toujours la méthode « boum-boum-boum-tu-cognes ».  A moins d’être un témoin de Jéhovah, tu es certain de te faire donner la grande tape dans le dos suivie de la bise gauche-droite et du grand sourire banane fendu jusqu’aux oreilles en arrivant chez les voisins.   Ce truc, ce n’est pas le mien.  Tout le monde fait ça dans le lotissement Green Acres  où j’habite (dire Grinne Acre à la française).

Le cercle des connaissances s’élargit aussi avec les calédoniens.  Tu causes 15 minutes et te voilà dans le cercle des initiés de la bise gauche-droite.  C’est comme ça avec Marie au Discount qui vient me dire bonjour en me collant la becquée dans l’allée des petits pois.  Et pour Claude, le menuisier au vélo cassé que j’ai fait monter dans mon véhicule jusqu’à son chantier.  Le jour où cet homme m’a envoyé la main, j’avais l’impression d’être Madonna en brousse.  Il y avait tant de chaleur humaine dans ce bonjour que je me suis sentie vraiment spéciale.

Mon amie Geneviève est une indéfectible du marché Roes.  Monsieur Roes et sa femme ont souligné leur attachement en lui donnant une belle patte de cerf pour lui dire combien il l’apprécie.  Une patte de cerf complète avec poils inclus.  Miam…

Et quand les mamans sont amies, les enfants se collent à nous.  Notre maison devient leur sous-sol, leur cour de garage, leur refuge juste le temps de recharger les batteries.  En ce moment, j’ai le duo Victor et Vincent, 8 et 6 ans.  Deux paires d’yeux qui vous découpent en fines tranches tellement ils ont le sens de l’observation aiguisé.

« Mmmmm…ça goûte le vin ou la bière », remarque le plus jeune en buvant un panaché.
Ciel, qu’est-ce que sa mère va penser? 

Bah… Je lui dirais qu’on a fait la bise gauche-droite et que j’ai offert une .5 à son fils.  On connecte en version Calédonie et Québec.


7 nov. 2011

Poissons et autres effrayantes créatures
Tazar à l'hameçon


J'ai une amie qui a un objectif vissé dans le front.  Drôle d'appendice.  C'est réglé sur "kalashnikov".  Taratatatata!  Purée qu'elle sait bien viser!  Ça donne des poèmes en images.


Voici les meilleurs clichés de Madame A. 

La bête encore frémissante

perroquet au harpon
requin pointe noire





comme une offrande
requin.  ahhhhh!