21 août 2012

L’art de la conversation


Chéri l’a.  Je ne l’ai pas.  Je vous parle ici de la stratégie « perron d’église », l’art subtil de gribouiller un dialogue.  Lui, c’est l’artiste.  Je suis la cancre de service. 

Pour s’engager dans un échange verbal au milieu d’une tribu d’individus, il faut respecter un minimum de règles.  L’écoute active, les mimiques expressives, le jargon politiquement correct, gestes contenus dans bulle imaginaire, liens subtils.  Un rallye linguistique.

Ces règles ne s’appliquent pas lors d’un débat politique.  On assiste plutôt à de la tauromachie sans toreador.  Drôle de confrontation!  Seulement deux taureaux en mode perpétuelle de collision frontale.

Les politiciens savent-ils que la caméra dissèque les moindres frémissements colériques?  Gros plan sur la griffe du lion dans le front…Voilà!  Image grossissante des couteaux dans les yeux :  attention, c’est presque du 3-D et vous allez vous en attrapez un dans votre salon si vous fixez l’écran trop longtemps. C’est le théâtre du côté sombre de l’humain où se jouent le dédain, l’épouvante, le perfide et surtout, les mines de vierges offensées.  Un vrai rayon X de la panique ambiante.  Plus ils ont foiré, plus ils se battent comme des coqs au fond d’une ruelle.  Sarkozy a beaucoup jappé à la face de Holland.  Et qui donc soufflait « ATTAQUE! » à Jean Charest lors de son face-à-face avec Pauline Marois? 

Mais tous les électeurs vous observent en train de perdre les pédales!  Ce n’est pas bon, pas bon du tout!  Oubliez la cravate assortie et dégottez vous l’air rassurant-convaincant qui hurle « je peux diriger un pays ».  Je ne sais pas s’il s’en trouve dans un Costco près de chez vous, ma foi!

Mais la pire des erreurs, ce sont des antagonistes qui se vautrent dans la cacophonie.  Cacophonie, vous ne trouvez pas que ça sonne comme caca?  Si on ne pige pas une seule idée, qu’elle soit de droite, de gauche ou entre vos deux fesses, personne ne réussira à se faire sa propre opinion.  Faites comme dans les cliniques sans rendez-vous :  prenez un numéro et attendez votre tour.

Je rêve d’une joute verbale où les mots se catapultent dans le camps adverse avec la précision des missiles Scud.  Boum!  Batman ne parvient-il pas à conserver sa crédibilité même s’il est masqué (et en collant?).  On veut des hommes forts, des femmes inébranlables.  Un débat?  Jouez-le super héros.

Chéri ne sera plus le seul à m'inspirer l'excellence dans l'art de la conversation.

16 août 2012

Elle s’appelait Lina


Debout sur la montage, je tourne les images des parapentistes du Ouen Toro.  Depuis le temps que je les vois picoter le ciel au dessus du lagon, je décide finalement d’aller y voir de plus près.

Tout en admirant ces poètes lancés dans le ciel, chassant la brise du large, j’ai eu une pensée pour Lina, ma cousine décédée.

Comment vous la décrire?  C’est une cousine mythique que je voyais de temps en temps.  Enfant, je la suivais comme un chien de poche pour toucher sa longue chevelure ondoyante attachée avec un cordon de cuir.  Je l’imaginais sur la pochette d’un disque de Fiori Séguin avec  un brin de foin au coin des lèvres.  Lina-Flower-Power.

Ma cousine a ressurgit alors que je commençais ma carrière en journalisme.  La fière trentaine, touche-à-tout des communications, allumée, aventurière. 
Elle enchaînait les projets, les passions, les petites folies :  sillonner les routes des îles de la Madeleine sur sa Harley Davidson, virevolter tout en arabesques sur un trapèze (l’aérobie, ce n’était pas pour elle!), apprendre la joaillerie, se marier pour ses 50 ans, teindre ses cheveux de toutes les couleurs, gâter ses parents, voyager.

Sa vie s’est arrêtée sur la route 132 entre Sorel et Nicolet.  Je crois bien qu’elle avait 51 ans.  Collision multiple impliquant un camion semi-remorque.  J’ai écrit 100 fois ce genre de nouvelles mais je n’arrive toujours pas à rédiger trois lignes sur ce terrible accident.

Lina a subi un grave traumatisme crânien.  Elle s’est retrouvé emmurée dans son propre corps, incapable de communiquer avec les siens si ce n’est en soulevant l’index ou l’avant bras.

Mais même dans cette caverne sombre et parfois triste où elle est restée pendant 3 longues années, je suis convaincue qu’elle allumait sa propre lumière.  Tête en bas, entre ciel et terre, à se balancer sur un trapèze.  Chevelure bleue au vent au volant de sa Harley Davidson.  Parée de bijoux.  Habitée de beauté. 

Ma cousine mythique aurait eu 57 ans le 25 août prochain.  Je retiens d’elle les plaisirs fougueux et le bonheur en mode partage.


Bonne fête Lina.  Je te dédie mon reportage sur ces fous qui osent se jeter dans le monde tout comme tu as si bien su le faire.

6 août 2012

Caméra coup de coeur

C'est probablement le meilleur investissement que j'ai fait depuis mes bottes turquoises cloutées de pierres multicolores:  une caméra vidéo.

Grâce à ça, je rencontre des gens formidables.  Jack Ozika, sculpteur à Lifou, s'est assis sur une bouée sous un gros arbre pour me parler de sa passion.  Petite entrevue pas trop longue.  Il guettait la cuisson de son poisson perroquet pêché en matinée juste en face de chez lui dans les gros bouillons bleus du crique corailleux.

J'ai aussi mis la boutique de Victoria sans dessus-dessous lors d'un tournage éclair à sa boutique, la Funky Fripe.  La jolie rouquine nous a entraînées dans sa folie communicative.  On a rigolé comme des gamines!




3 août 2012

Voyager léger quand vous broyez du noir


Mardi matin.  Le ciel est plombé d'un gris-Québec-en-novembre. Même ici, on maudit l'hiver, même s'il est délicieusement austral.  J’ai envie de fendre les flots de la baie juste en face de chez-moi.  Nagez jusqu’au premier îlot ensoleillé, dérouler une natte et faire un éventail avec mes orteils dans le sable blanc crème.  Une pause langoureuse avec une Heineken dans une main et un magazine débile dans l’autre.  Un beer buzz à midi, les yeux mi-clos et un sourire gaga, c’est le label des incorrigibles vacanciers.


J’ai besoin d’air.  La reine du foyer a le droit d’être au bout du rouleau.    Début de crise de la quadra? J’en ai déjà guérie plus d’une et je connais le remède pour éviter que ça pète :  partir sur un nowhere.

Je saute sur mon clavier et tape les destinations les plus folles :  Fidji, Bora Bora, Hawaii, Fukushima (non, là je pousse un peu…)

Où aller pour une escapade de 4 jours en amoureux?  Il y a un déclic :  Lifou.  35 minutes en avion, pas de décalage horaire.  Même monnaie mais tout de même, langue étrangère.  On y parle le Drehue.  Ça sonne comme de l’inuit avec beaucoup de consonnes.  Une langue vachement rigolote parce que les habitants de Lifou n’arrêtent pas de se marrer comme s’ils étaient en plein festival Juste pour Rire.  Toujours la banane fendue jusqu’aux oreilles, les épaules qui sautent, la main qui tape sur le genou et ça glousse et ça pouffe.  Si j’étais parano, je croirais dur comme fer qu’ils se foutent tous de ma gueule.  Mais non, ils sont comme ça :  heureux comme dans les pays scandinaves à la différence près qu’ici, il fait 25-30 sous le soleil et pas zéro avec un petit crachin.


Je profite du spécial deux nuits pour le prix de trois au chic Drehue Village à We.  L’aubaine ne s’arrête pas là :  nous avons aussi un coupon-rabais de 50% pour un dîner en amoureux sous le faré.  Je suis aussi chiche que folle à lier.  

Pour cette escapade, petite valise :  un seul et unique bikini, mes claquettes Sketchers, deux robes roulées en boule, le top à paillettes, un jeans et une petite laine.  A cela s’ajoute la tonne de revues, l’aquarelle en kit, la trousse à maquillage et plusieurs bouteilles de vin.  Ne pas oublier la cafetière expresso et le mini-réchaud de camping.  Au bout du compte, Chéri croule sous le poids du sac :  25 kilos.  On sort la poignée de menue monnaie pour défrayer la surcharge.

Et nous voilà partis!  Un « must » à Lifou :  louer un véhicule pour aller se perdre sur un bout de plage.  Luengoni est dingue.  Brooke Shield aurait quitté le plateau du Lagon bleu pour venir tourner son film ici si elle avait vu ce lieu de rêve.  Une demi-lune de sable blanc d’un kilomètre et une eau turquoise qui vous éclate la rétine tellement la couleur est intense.  Nous avons loupé l’attraction locale :  une grotte sous-marine de 30 mètres…Bah, il faut se réserver d’autres découvertes pour un prochain voyage.   Nous avons déjà mentalement planté notre tente à deux pas de ce paradis, au gîte Jeanne Forrest. 



La baie Wadra n’est pas mal non plus si on aime les images d’écrans de veille d’ordinateurs.  Plus caillouteux en raison des récifs coralliens mais carrément hypnotique avec des reflets de Sainte-Vierge sur l’acide.  De temps en temps, une tortue qui se prend une petite gorgée d’air frais et plop!  la voilà qui replonge pour aller brouter son pain quotidien. 




J’ai craqué pour la plage de Peng, ma préférée.  Wow!  À s’en décrocher la mâchoire… La plage de Peng se trouve au bout de la route de terre, tournez à droite juste avant le terrain de foot dans la courbe avant d’arriver à Drueulu.  Vous vous perdrez de toutes façons, il y a autant de terrains de foot que de patinoires au Québec. 






J’ai posé ma serviette à côté d’une pirogue.  Pas un truc en carton pâte, une vraie pirogue en bois avec la poupe (ou la proue?)arborant la face sculptée d’un requin comme dans les photos du National Geographic.  L’aventurière que je suis a ensuite sorti une cannette du sac à dos de sa tendre moitié pour déguster une bonne bière tiède.  Je suis au paradis.  Je recommande le beer buzz de 4 heures sur le bord d’un lagon pour soigner la dépression passagère de la ménagère.