4 juin 2013

Une maladie qui fait peur comme le bonhomme 7 heures

Il y a des enfants qui croient que le cancer, c’est comme la varicelle :  ça s’attrape!

Julianne, avec ses beaux grands yeux qui en ont vu d’autres, m’a confiée :  «Ce n’est pas contagieux…mais j’ai un peu peur de l’attraper».  Les enfants sont ainsi :  ils disent une chose et son contraire dans la même phrase.  C’est la recette de leur candeur, on ne peut pas se tromper.

Je suis de retour dans mes chaussures de reporter à TVA et j'avais envie de casser la glace en parlant de cancer.  J'ai de la suite dans les idées, n'est-ce pas?

Pendant le tournage, je leur ai posé toutes ces questions à cause de leur enseignante en musique, madame Lucie.  Il y a quelques semaines, elle est arrivée dans la cour d’école avec sa bonne humeur habituelle et un drôle de chapeau.  Les enfants ont fait semblant de ne pas la voir. 

« J’étais peinée », m’a raconté Lucie Dubois.  « Si je n’avais pas perdu mes cheveux, je ne leur aurais pas dit que j’avais le cancer.  Je ne voulais par leur faire peur », poursuit-elle. 


C’est le seul moment lors de notre conversation où son humeur s’assombrie.  Lucie Dubois aime tellement la musique, les enfants et le bruit de la vie qu’elle ne peut pas s’imaginer en congé de maladie.  Elle prend quelques jours ici et là, histoire de récupérer quant la vague frappe fort. Malgré les traitements brutaux en chimiothérapie, il n’y a rien de plus doux à ses oreilles que les vingt-cinq flûtes à bec qui claironnent dans cette classe de 3e à l’école Jacques-Buteux de Trois-Rivières. 

« La chimio tue les microbes et les bébittes du cancer mais les enfants m’aident vraiment à passer à travers », me dit-elle. 

Ses élèves ont fini par lui poser des questions.  Ils en savent beaucoup maintenant.  Rosalie a même posé sa petite main sur son ventre pour me montrer là où était le mal de Madame Lucie :  «  Il est ici, c’est un cancer des ovaires », a-t-elle précisé avec sérieux.

Vérification faite, plus du trois quart de la classe connaît quelqu’un dans son entourage qui a mené le même combat.  Ils ont bien observé le cas « Madame Lucie » et ils ont unanimement tranché :  elle va s’en sortir parce qu’elle est toujours de bonne humeur.

Quant à la question des cheveux, je me suis tournée vers Iles, le philosophe de la classe. 

« Franchement Iles :  le coco à nu, ce n’est vraiment pas joli, n’est-ce pas?  Je veux la vérité vraie », ai-je insisté en tendant mon micro.  Le pauvre retournait sa langue pour ne pas dire de bêtises, réfléchissant au sens du commentaire qu’il s’apprêtait à faire.

« Avec ou sans cheveux, Madame Lucie est toujours la même personne et c’est une très bonne personne », a-t-il fini par décréter.

Même si je ne la connais pas vraiment, Lucie Dubois m’a touchée par sa volonté de ne pas casser la routine des jours en adoptant un traitement qui confine à la vie plutôt qu’à la dureté de la maladie.  Lorsqu’on combat le cancer, il n'y a qu'un seul temps de verbe pour conjuguer nos actions et c'est le présent.


2 juin 2013

Gros Big

Une tête frisée façon champignon atomique, les yeux cernés, la canine qui retrousse :  la fée des chiens a oublié de se pencher sur le berceau de Big, notre caniche/bichon adopté à la SPA il y a 3 semaines pour cause d’abandon. 

« Ouach!  Il est vraiment laid! ».  La petite phrase assassine ne nous atteint pas.  Je dis « nous » parce que Big fait maintenant partie de la famille et sa laideur est un signe de distinction que nous revendiquons.  Notre chien a du panache et sa dégaine de vieux chanteur des années yé-yé nous procure de savoureux moments pendant lesquels nous apprécions l’authentique nature du caniche gai qui n’a pas peur du ridicule pour faire rire la galerie.

Mais il n’a pas que des qualités… Sa première sortie propre lors d’un souper chez les grands-parents lui a valu la palme du chien le plus fripon.  Il a cependant un alibi.  Je crois sincèrement que le gazon de mon père rend les chiens « stone » tellement il est vert et parfait.  Genre green de golf moelleux comme un tapis shaggy, doux comme les cheveux d’une fille dans une pub de shampoing, délicieusement frais et qui hurle :  roule toi dedans comme dans les draps d’un lit dans la playboy mansion.  A Go, tu jouis!

Big n’a pas résisté.  Il s’est roulé dans l’herbe et je pense même qu’il en a fumé.

Après sa partouze dans la pelouse, il a étrenné son cerveau de chien de cirque pour nous faire son numéro.  Fatiguée de le voir courir comme un poney miniature sur stéroïdes, je décide de l’envoyer dans la maison en tapotant deux ou trois coussins sur le canapé, histoire de rendre son retrait préventif plus agréable.

"Voilà mon Big!  Un ti-roupillon et on va s’aimer encore dans une heure, dac?", lui roucoulais-je.  Je ne peux pas le jurer, mais je crois qu’il m’a fait un doigt d’honneur à ce moment là.  Difficile à dire, il a toujours l’air de sourire avec sa dent qui fuit sur la babine…

Et c’est là Mister Big est devenu Mister…. Big Trouble!

Nous avons fini le repas dehors sur la terrasse couverte d'une moustiquaire.  Ma mère prend le poulet – où ce qu’il en reste… - et apporte le plat à l’intérieur de la maison.  Pose  le plat sur le comptoir.  Retourne à son verre de vin.  Papote.  Pendant ce temps, Big n’obéit plus qu’à un désir :  son museau est aussi excité que celui d’une mouffette qui trébuche dans une talle de vers blancs sur un parterre de Trois-Rivières.  Direction :  carcasse de poulet!  Un peu plus haut, un peu plus loin, comme chante Ginette Reno.  Et Big sait sauter.

On est dehors à siroter les derniers rayons de soleil en comptant les couleurs qui colorent l’horizon.  Pendant ce temps, mon mutin avait apporté son pique-nique sur un fauteuil pour y nettoyer chacun des os avec le même  acharnement qu’un Hannibal Lecter.  Puis, il file vers la sortie aussitôt que la porte s’entrouve, laissant le cadavre derrière lui.  Je le rattrape pour l’attacher à son arbre préféré…et il s’enfuit encore.  En fait, il ne s’enfuit pas, il fait plutôt le circuit du 24 heures de Daytona en courant comme un dingue autour de moi, trop heureux de retrouver son carré de pelouse.  Je rigole un peu mais j’essaie d’avoir l’air d’une matrone pour qu’il me prenne au sérieux.  Je voudrais bien lui faire donner la patte en ce moment pour montrer à la galerie incrédule que je suis une bonne mère pour ce chien complètement petté qui a fait une overdose de poulet.  Nul ne sait encore que le chien s’est empiffré comme s’il avait participé à un concours de mangeurs de hot dogs.

Mais la vérité éclate.  Ou plutôt, mon chien déborde.  Il vomit sur le gazon parfait et repart à courir comme s’il était un danseur dans un clip de Madonna.  Et il fonce dans la moustiquaire de la véranda de mes parents.  Et le déchire.  Ah!  Quelle finale!


Notre premier souper s’est terminé sur la banquette de l’auto.  Et c’est lui qui était au volant pendant que je finissais mon dessert.  Après coup, j’aurais bien voulu le mettre dans le coffre pour ne pas voir sa face de chien laid dans le rétroviseur mais il a finalement fini par se lover sur le siège arrière entre mes deux filles.  C’est plus fort que nous, on l’aime.

De retour à la maison, je lui fais faire sa petite promenade.  Étant donné qu'il a cassé son collier, je lui mets une ceinture de filles autour du cou pour y attacher sa laisse.  Il a vraiment l'air d'un con et je l'aime plus encore.