Il y a eu ce jour en septembre où j’ai appris que j’avais le
cancer. J’étais dans un luxueux hall d’hôtel
à Brisbane en Australie. Un gynécologue
de Nouméa, que j’avais joint sur son téléphone cellulaire, a laissé tombé ces
mots durs :
« Ce n’est pas bon, ce n’est vraiment pas bon… »
J’ai encaissé le coup sans faire le double salto arrière
comme dans les pubs décriant l’affreux choc du diagnostic.
Ce jour-là, le cancer ne me faisait pas peur. Ce n’était qu’une mauvaise nouvelle, un couac
dans notre aventure d’expatriés, une ombre bien vite chassée. Quelles étaient mes défenses? Le grondement écumant du Pacifique? Les rues animées et distrayantes de Brisbane,
une ville durement touchée l’année précédente par des inondations monstrueuses?
La cité se dressait pourtant à mes pieds,
inébranlable, fière modèle d’efficacité face aux catastrophes naturelles qui
frappent aveuglément.
J’étais Brisbane,
forte et belle. Étourdie par le bruit,
la fureur des magasineurs et par les voix des chanteurs de rue s’entremêlant
dans un charmant charabia.
Cancer? Pffff!
Et pourtant, une peur insidieuse a fini par s’emparer de
moi.
Le jour où j’ai appris que j’allais devoir m’astreindre à la
chimiothérapie.
Le choc de prendre mon premier rendez-vous en
hémato-oncologie, un département où j’avais tourné un reportage télé trois ans
plus tôt.
Tomber malade après la première séance de chimio et essayer de me soigner avec du Tylenol aux
quatre heures, posologie aussi inefficace qu’une poignée de Skittles.
Avoir mal.
Tomber à zéro, sans réserve de globules blancs, dans une
chambre d’hôpital conçue pour les immuno-supprimés.
Rire et pleurer toute seule pendant cinq jours.
Arracher ma première poignée de cheveux.
C’est donc ça, le « cancer »…
Je ne dirai plus que j’ai une petite tumeur. Je ne vais pas m’engoncer dans l’assurance
réconfortante d’un simple « stade 1 ». Je ne vais pas ramer en sifflotant, ignorant
un éventuel tsunami sous ma fragile barque.
Je me retrouve enfermée dans un ring où se joue un sport extrême,
emmurée dans une cage effrayante. Les
coups bas sont légions et je ne dois rien prendre pour acquis. Reconquérir la santé , c’est comme essayer d’aller
faire du déminage habillée en rose en Corée du Nord. Une mission dangereuse.
Où puiser la force?
Mon ange gardien, Caroline du salon Ode, m’a irradiée d'une énergie nouvelle en me rasant. Des ailes m'ont poussé lorsque j’ai vu cette
masse de cheveux ternes et cassés tomber comme des pétales fanés tout autour de
moi.
Quelques jours plus tard, mon fils a terminé le travail avec
une bienveillance émouvante. La boule à
zéro. Il a rasé mon crâne
scrupuleusement. Je sentais sur mon
épaule sa lourde main d’enfant grandi trop vite. Mes yeux se sont alors remplis de larmes
tellement j’étais fière de lui et confiante en l’avenir. Avec ma famille, je redeviens la femme-cité,
une mégapole inviolable, une tour que le cancer ne pourra jamais plus profaner.
Avec les gens que j’aime, je peux vivre, mourir un peu,
ressusciter le matin, reprendre des couleurs en après-midi et fermer les yeux le
soir sur le plus beau tableau au monde : l'amour inconditionnel.
Je ne conjugue plus au futur. L’instant est plus que jamais ici et
maintenant.
4 commentaires:
Votre détermination est incroyable. Entourez-vous de vos amours (conjoint et enfants) et gardez le sourire ! Vous me surprenez par votre ténacité !
Pleins de pensées positives pour toi et tes proches,
une fidèle lectrice de Québec
xxx
Wow! Quelle plume!
Ça veut tout dire pour moi. Merci, vraiment.
Honnêtement, la guerrière vit des moments très difficiles en ce moment, mais jamais il n'a été question de lâcher.
Au plaisir de vous recroiser sur ma route xXx
Tu m' inspiré tellement tu es mon idole....bravo pour ton beau message ......bravo bravo....tu m' a fais verser une l'arme en lissant tout ton blog....je m' en lasse pas je garde ces paroles dans mon cœur pour l' éternité .....tu étais ravissante a TVA ce soir.. Renee xx
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