Toute petite, je jouais à la maison. Toc! Toc! Toc! Bienvenue chez moi. Entrez dans ma cuisine imaginaire, dessinée
dans le sable. Regardez, la porte est semi-ouverte comme ceci /
. Jetez un coup d’œil sur
l’évier, celui-là, Ö
avec l’eau chaude
et l’eau froide. Attention, vous marchez
sur la table!
Des heures de plaisir.
En hiver, ma salle de jeu prenait des allures de caverne d’Ali Baba
alors que je construisais un appartement dans une chambre 10 X 10. Des couvertures tendues, un divan avec
coussins savamment cordés, une boîte pour coucher mes bébés, une improbable
cuisinière découpée dans un autre carton.
Ma mère hurlait à tout coup lorsqu’elle tombait sur ce capharnaüm digne
d’un souk à Marrakech.
J’ai grandi et je n’ai jamais cessé de jouer à la
maison. Après mes études à Strasbourg,
j’ai rongé mon frein pendant une année en attendant de me refaire une santé
financière. Je créchais chez mes parents
dans mon ancienne chambre d’ado, une aubaine dans les circonstances. Et puis un jour, la fée du logis a fait aller
sa baguette : en l’espace de
quelques semaines, j’ai rencontré l’homme de ma vie et on m’a offert un boulot
à la télé. Amour et job steady : la parfaite combinaison pour assouvir le
syndrome Ikea. C’est avec la classique
bibliothèque Billy et la vieille commode de ma grand-mère Jeannette que Chéri
et moi on s’est lancés dans la vie à deux.
Les reliques en mélamine blanche de mon tendre époux ont atterri dans
notre premier 5 ½ mais j’ai négocié serré pour qu’on largue ces horreurs
meubles superflus. Le jeu de la maison,
c’est du sérieux.
Je vous avoue que jouer à la maison a créé chez moi une
coûteuse dépendance : les
déménagements compulsifs. Je suis déjà
tombée en pâmoison devant une maison à cause des arbres majestueux plantées de
part et d’autre de la rue où elle se situait.
Il y a eu un duplex, un 5 paliers (trop pratique) et un cottage. Celle-là, je l’aurais bien gardée mais on a
décidé de vivre en Nouvelle-Calédonie. On s'est retrouvés dans une grande maison à Koné au milieu du bruit des cloches accrochés
au cou des vaches. Je n’ai pas aimé la
maison mais je suis devenue accroc à la sérénité.
On a finalement déménagé à Nouméa dans un appartement
somptueux le long de la promenade Pierre-Vernier, le spot de rêve de tous les
joggeurs de la capitale. Inspirant.
Et maintenant? Je suis
retombée dans le piège à ours. Une
visite dans un bungalow des années soixante et j’ai senti mon cœur bondir dans
ma poitrine. Je ne saurais vous
expliquer cette incroyable attirance, ce désir irrépressible de bâtir ma vie sur ce bout de
rue. Cette maison s’est offerte à moi
comme une page blanche, un point de départ, une formidable occasion de repartir
à zéro. Les propriétaires l’ont aimé,
décoré, tapissé (oh my god, l’ont-ils tapissée…) Le voisin, un vieil homme qui frôle les 80
ans, l’a vue sortir de terre, pièce par pièce.
« C’est une bonne maison », nous a-t-il dit comme s’il
s’agissait d’une amie de longue date.
Il y aura une nouvelle cuisine (Ikea, évidemment!), un foyer où brûlent de vraies bûches, une
salle de bain en marbre rose vintage digne d’Ivana Trump, un sous-sol que j’espère
rempli d’adolescents et des pièces blanches et lumineuses.
Je médite actuellement sur les nuances de la pureté : mousse de champignon, bouleau pâle ou huile
de coton.
Je fais sourire mes amis lorsque je dis que c’est l’ultime,
la dernière. Si je repars, c’est sur ce
bout de rue que je veux revenir. Après
tous ces voyages, je commence à comprendre qu’on finit toujours par revenir à
une vieille passion : jouer à la
maison chez-soi, bien tranquille.
2 commentaires:
Moi, quand j'étais petite, je ne jouais pas à ma maison, mais je jouais à la star. Ma tante, qui était maquilleuse professionnelle, me «déguisait» en Mitsou ou autre star du moment lorsqu'elle me gardait. Cette tante, Manon de son prénom, était aussi maquilleuse à TVA. C'est grâce à elle qu'un jour d'Halloween, ma petite soeur et moi avons fait ta connaissance sur le plateau de l'émission «La vie en Mauricie». Tu étais costumée en lapin...moi, je ne le sais pas trop, même en regardant les photos!
C'est par pur hasard que je suis tombée sur ton blogue car en manque de voyage(rentrée il y a 7 mois et repars dans 3..), j'avais envie de lire des aventures d'expatriés...peut-être suis-je aussi en manque d'écrire ma vie à l'africaine, celle qui me fait vivre, sourire, aimer.
Bref, J'aurai passé la soirée avec toi aujourd'hui...tes mots m'ont fait sourire, réfléchir et oui, m'ont mis la larme à l'oeil deux fois plutot qu'une. Merci Chantale pour ta plume légère, sensible, vivante, vraie et touchante. Tu deviens officiellement mon «blog de chevet» pour les prochains jours.
Pour terminer, je te souhaite du bonheur, tout plein. Car le bonheur, quand il est là, tout devient plus facile, même les moments qui ne le sont pas. Garde ton beau sourire, la vie te le rendra :)
Au plaisir,
Marie-Pier Alarie :)
Wow! Que de beaux souvenirs :)
Oui, oui et oui, raconte nous l'Afrique!
Et s'il te plaît, dis à tante Manon d'entrer en contact avec moi:
chandailcardigan@hotmail.ca
à plus!
c
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