Avouez que j’ai une gueule de moine avec mon crâne Kojak…
Est-ce à dire que je suis plus spirituelle que n’importe quel autre chevelu? A
défaut de l’être, j’ai le désir de le devenir. Je veux trouver le secret de la Caramilk de la
paix intérieure. Certains convoitent les chaussures griffées
ou les bagnoles hors de prix, moi j’ambitionne dénicher cette cape invisible
qui me rendra invincible, l’Épanouissement de la Quinquagénaire. Si le zen était en vente, j’en achèterais une
boîte de douze.
« Combien pour la douzaine de zens? »
« Vous tombez bien : ils sont en promotion cette semaine. 150 dollars la douzaine. »
« Je la prends!
Vous me faites un joli paquet, s’il-vous –plaît? »
Je m’imagine avec ma douzaine de zens sous le bras, gage de
sérénité pour les mois à venir. Zen, mot
simplissime et pur, promesse de douce ivresse baignée de bonheur béat. Le mot qui fait sauter la cagnotte au
Scrabble et procure une infinie satisfaction pour la joueuse paresseuse que je
suis. Zen, mystérieuse chimie d’une
pensée magique venue d’ailleurs, la science d’une plénitude renouvelées, comme un sablier que l’on tourne et retourne,
le plein/le vide/le plein/le vide… Séquence parfaite pour reproduire le
bonheur.
« Elle est complètement barjo depuis sa dernière chimio… »
penserez-vous. Il y a de quoi devenir
gaga, c’est vrai. Je vais bientôt
renouer avec des petits plaisirs magiques qui sont le sel de la vie. Grâce à la lente remontée de mes précieux
globules blancs, je vais aller danser d’ici quelques semaines dans un bar bondé,
plein de microbes. Autre péché : manger des sushis crûs en buvant une petite
lampée de vin blanc. Mordre dans un
steak saignant. Recommencer à jogger.
Mais en attendant, je me suis payée un petit luxe : une cure de silence. Deux jours complets chez les Sœurs de l’Assomption. Au moment où j’ai bouclé ma valise, j’ai
failli y planquer des séries télés pour les regarder sur mon ordinateur… Mais j’ai
finalement opté pour les bons vieux romans et des magazines, des vieux
exemplaires de Philosophie et Psychologies.
Je suis passée du joyeux bordel de ma petite cuisine à Trois-Rivières
à cette chambre austère en moins de vingt minutes. Première séance de méditation? Dormir!
Après la sieste dans un rayon de soleil, la cure de silence s’invente
par elle-même au fil des horaires de repas et de prières. Pauvre Jésus, je suis une piètre compagne
pour le dialogue silencieux dans la chapelle… J’y ai fait un saut de puce pour
entendre la voix cristalline des religieuses et j’ai finalement enfilé mon gros
manteau, ma tuque et mes mitaines pour aller marcher dans le bois. Un grand pic bois à tête rouge m’a saluée au
passage, comme pour m’encourager à affronter le vent de mars qui n’a encore
rien perdu de son mordant.
Que suis-je venue chercher dans ce lieu où la frugalité fait
foi de tout? J’aimerais pouvoir faire
surgir la Chantale-avant-le-cancer avec sa candeur naïve, presque nunuche par
moment, mais légère et confiante. Cette
femme-là est encore en moi mais elle est en train d’apprendre de nouvelles
leçons : ne pas faire de projet, c’est
déjà un projet. Remettre à demain peut
réserver d’agréables surprises. Rien ne
sert de courir, il suffit de marcher un peu plus longtemps. Simplement s’arrêter, c’est déjà prier.
2 commentaires:
Merci pour ces belles lectures...J'ai appris la sérénité avec une amie qui m'a laissé une belle place dans sa vie et maintenant je la nourris en te lisant.
simplement,merci
Bonjour Chantale,
La lecture de tes textes fait du bien. J'aime beaucoup te lire. J'apprécie particulièrement le dernier paragraphe de ce texte..ça m'a touché...
Je t'embrasse fort et je t'envoie beaucoup de soleil et de la chaleur de NC! Ciao x
Marie-Josée
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