Je suis une mère stricte qui n’aime pas se faire pousser
dans les cordes lorsque je suis dans l’arène avec mes enfants. Je prône les bonnes manières à table. J’ordonne en haussant un sourcil et en pinçant
les lèvres. Je claironne les ordres pendant
les corvées. Je pète un câble à l’occasion. Je me cache pour pleurer quand je me sens
dépassée.
Et plus que tout, j’aime profondément mes enfants mais pas
au point de tout leur donner.
Ainsi, lorsqu’ils relatent les mésaventures, disputes, bousculades, et boutades déplacées
dont ils font l’objet, je les écoute en leur disant qu’ils sont les seuls à
pouvoir régler le problème. Je leur
apprends à dénouer cette pelote de nœuds tout seul.
Parmi les chamailleries enfantines, il y a les flèches lancées
à Princesse des îles. Les mots lancés
comme des cailloux, (Kirikou, Café noir), les affirmations gratuites (t’es pas
belle, ta mère ce n’est pas ta vraie mère) et le brasse-camarade de la cour d’école. Est-ce que j’enfile mes gants de boxe de mère
outrée à chacun de ces incidents?
Non. C’est à ma fille de s’armer
pour affronter le monde tel qu’il est parfois : bête et méchant. Je suis le coach, je lui souffle les
répliques, je lui enseigne l’humour, je lui indique comment marquer son
territoire avec l’indifférence. Un mur,
ma fille, tu poses les briques et tu ériges un mur pour ne pas voir ces
gens-là.
Mais là, je risque de tenir la truelle moi-même et faire
tomber quelques briques dans le ciment pour l’aider à bâtir sa forteresse
invincible.
Ceci n’a rien à voir avec la Nouvelle-Calédonie. Le racisme dont ma fille est victime se
retrouve malheureusement partout.
Aujourd’hui, quelques gamins ont pris son matériel scolaire,
caché sa trousse, saccagé son cahier de notes.
Mais le pire, ce sont les mots :
« Retourne en Afrique pour mourir de faim pour que je puisse pisser
sur ta tombe ».
Rentre bien ton kiki mon enfant et serre le très fort entre
tes jambes. C’est la position des
couillons.
«Maman, t’es colère? », me demande-t-elle. Les mots d’ici sont directs et francs et
ma fille aime les utiliser: maman
colère.
« Non, pas colère.
Je dirais plutôt maman guerrière ».
Car voyez vous, ma fille avait peur de dénoncer les garnements. Lorsque j’ai fait demi-tour pour aller
rapporter l’incident à la vie scolaire de l’établissement, ma jolie a
paniqué. Puis elle m’a dit : « si tu fais ça, je ne te parle plus! »
Peur des représailles, peur de passer pour un
porte-panier. Peur de faire des vagues.
Nous avons décortiqué ensemble cette horrible phrase pour
mieux saisir toutes les nuances de la haine qu’elle cache. Des mots d’une dureté incroyable , « retourne
en Afrique pour mourir de faim ». La
violence d’un petit homme qui crache son désir de profaner, de « pisser
sur une tombe ».
Une expression chiffonnée autour d’une brique et lancée à la
face de Méika. C’est le nom de notre
Princesse des îles : Méika, un nom
haïtien, l’emblème de son origine, 5 lettres qui résume la magnificence de son
histoire.
J’ai plaidé âprement pour dénoncer ce délit raciste, pour la
convaincre que nous étions bel et bien en présence d’un jeune scélérat qui
méritait une sévère sanction. C'est ici que tu dois tracer la ligne pour te tenir debout, noire et fière, ma belle Méika.
Elle boit mes paroles. Je la vois qui s'éveille à la force d'une nouvelle assurance tranquille et sereine.
Elle boit mes paroles. Je la vois qui s'éveille à la force d'une nouvelle assurance tranquille et sereine.
Je ne retournerai pas à l’école demain pour redresser les torts. Méika a appris un nouveau mot de vocabulaire
et elle va devoir le conjuguer à tous les temps: dénoncer. Dénoncer haut et fort cette plaie qu’est le racisme.
4 commentaires:
You have a beautiful family (as you well know). I am also Canadian, and it hurts me to see this kind of racism, which surrounds us strongly still. Sometimes I have to shake my head, because I think- aren't we way beyond this already? One of the things I appreciate having lived in Toronto so long, in that 'cultural mosaic', is that we can all get along and even appreciate and celebrate our unique heritages together. I mean, it certainly isn't all rosy, but it has laid that kind of foundation inside me- one where I truly feel I'm a citizen of the whole world with all the beautiful cultures within. To be curious, not scared of something different...to be open, and unbiased as possible - to try and see things through the eyes of another, not just my view..in order to see bigger- to see better. All this to say- it hurt me to read this about your lovely Méika, and that I hope she rises above this strong and confident. I send my best wishes to her. So annoyed at how immature and scared this world still is- when are we going to grow up?
Thanks for this comment: it shows that we pretty much have that opening about other cultures. We ARE citizen of the world, more than ever!
My daughter is learning to rise above all of this. She felt sorry for the little boy who ended up crying when he was being told that what he did made no sense at all.
Learning to stand up is a tough lesson!
Le racisme n'est malheureusement que monnaie courante. Qu'il est facile pour eux de s'attaquer à quelqu'un qui est différent, enfin plutôt qu'ils pensent différent. Je dois sûrement être un peu naïve, mais j'ose encore croire qu'un jour on pourra apprendre aux enfants à être tolérants, à accepter, et même à admirer les différences qu'il y a entre nous tous, malgré le fait que nous soyons tous "fait" à partir d'un même code génétique.
Je souhaite beaucoup de courage à Princesse des îles, qui est déjà une jolie jeune fille, et qui deviendra, il est certain, quelqu'un de fort, et qui saura réagir face à ces bassesses. Il n'est jamais simple de savoir réagir aux moqueries,et elle a bien de la chance d'avoir une mère qui la soutient et l'aime autant.
Merci Hermione,
Vrai que notre Princesse des îles est en train de devenir une jeune fille très sûre d'elle, convaincue que la beauté se décline comme les couleurs de l'arc en ciel.
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