Je
suis contente d’être avec ma belle Irène.
On fait un duo choc dans toutes les files qui nous mèneront jusqu’à la
civière du camp des réfugiés d’un jour.
En attendant de s’inscrire au bureau des éclopés, un vieux monsieur derrière nous mitraille des salves de blagues sans même reprendre son souffle. Ça doit être le cousin de Ti-Gus et Ti-Mousse;
il est intarissable. Les blondes, les
noirs, les calembours…Je suis sûre qu’il collabore à la chronique Rions un peu du Reader’s Digest. Mais dans son cas, il faudrait plutôt appeler
ça le Reader’s Indigeste. Bon, vous êtes
bien gentil monsieur, mais moi j’ai un cancer dont il faut que je me
débarrasse. Je vous laisse.
Eh! que
je ne suis pas fine. J’avais pourtant
médité le matin – inspire/expire- brûlant mes poumons pour faire entrer en
moi la sagesse infinie. Je vais avoir
besoin de séances plus fructueuses pour répandre la bonté universelle.
La bonté
universelle, c’est en l'occurence le fond de commerce du personnel de l’hôpital. Il doit y avoir un vestiaire où les employés
laisse leur mauvaise humeur en entrant.
Un mince rayon de soleil filtre dans la salle où l’équipe médicale va et
vient entre les civières. Cataractes,
problèmes rénaux, cancer du sein :
tous les patients sont équitablement couvés. Un petit mot, un regard encourageant, une
bonne oreille et une petite pilule. Un
bruit ambiant rassurant, plein de vie.
La
chirurgie d’un jour est un voyage comme un autre et mérite une note comme n’importe
quelle destination. Partons du
principe que la Nouvelle-Zélande décroche une note plus-que-parfaite,
12/10. Le pays des Malades ne s’en tire
pas trop mal avec un très honorable 8/10.
LES
PLUS :
La
disponibilité des calmants. « Voulez-vous
un comprimé XYZ pour vous relaxer? » Ah!
Ça c’est de l’hospitalité. J’achète.
La
couverture qui sort d’un four juste avant d’aller en salle d’op’. Quelle douce impression d’être une patate sur
laquelle on fait fondre du beurre. Wow,
encore!
Le
service d’escorte vers les différents départements de l’hôpital. Le préposé est tellement attentionné qu’il a
réussi à me faire oublier ma jaquette bleue battant à tous vents. En prime, on se fait dire qu’on est belle…Dois-je
vous rappeler qu’on joue ici la reprise de la journée nationale sans maquillage?
Les
infirmiers, les infirmières, les stagiaires.
Traitez moi de téteuse, je les adore.
Dr.
Chirurgienne : une fée.
LES
MOINS :
Définitivement
au top du palmarès, l’injection de produits radioactifs. J’ai pris trois avions pour bénéficier de la
médecine nucléaire, malheureusement indisponible en Calédonie. J’aurais pris trois autres avions pour me
sauver si j’avais su que ça faisait aussi mal.
Mais, je suis une tough. J’ai
légèrement crochi les bords de ma civière et versé quelques larmes. Désolée de vous avouez ceci Dr. Chirurgienne,
mais j’ai cru un instant que j’étais un vampire dans Twilight et que j’allais
vous mordre :/
Le
régime minceur. Pas moyen de casser la
croûte, il faut être à jeun depuis la veille.
Je découvre soudain que la grève de la faim ne sera pas un recours s’il
me prend l’envie de défendre une cause. Avis au gentil personnel infirmier: je vous rappelle aussi qu’un bol
de glace ne compte pas pour un repas.
L’empressement
de Dr. Anesthésiste qui veut savoir pourquoi je n’ai pas de carte d’assurance
maladie. Nous sommes dans la salle d’opération,
je porte un casque de bain bleu, moi la patate toute nue sous la doudou chaude,
à 5 minutes de mon opération….Euh? J’ai
peut-être l’air d’une sans-abris mais j’ai une assurance privée et OUI, je vais
régler la facture. MERCI de m’endormir malgré cette vague inquiétude sur ma
solvabilité. J’apprécie votre
professionnalisme.
Les
pantoufles bleues qui hurlent "JE SUIS PATHÉTIQUE!". Elles sont assorties à
l’horrible jaquette taillée sur mesure pour les exhibitionnistes. J'aurais préféré quelque chose de plus seyant, un beau pyjama avec des bonhommes sourire et des pantoufles à talons
hauts. Frivole mais tellement plus chic'n'swell. Si vous trouvez ça dans la boîte à suggestion, ne cherchez pas, c'est bien rédigé de ma blanche main.
******
Je
suis revenue de l'hôpital et devinez quoi? J'ai laissé mon cancer dans le fond
d'une petite poubelle :) Il criait "Ne me laisse pas là!"
mais moi je lui ai dit: "Aie, ça va faire! Je t'ai chopé en Calédonie, je t'ai même emmené
en voyage en Australie et je suis allée jusqu’à te faire danser la Zumba sur la
place des Cocotiers. Pousse mais pousse égale et DÉ-BA-RASSE mon petit criss!"
Le croirez-vous, en lui disant ça, le cancer a poussé son dernier soupir. Il est mort, le sacrament! Hourra!
Le croirez-vous, en lui disant ça, le cancer a poussé son dernier soupir. Il est mort, le sacrament! Hourra!
Vous
l'aurez sans doute deviné, ils m'ont droguée un tout petit peu à l'hôpital. J’ai dit "double dose" quand on a
mentionné la morphine. Je me sens
vraiment bien. Vrrrrraiment. :)
Aujourd’hui,
je n'ai plus mal et je pense que je n'ai pas une grosse cicatrice sous mes
pansements. En fait, ça devrait me faire comme un minuscule sourire sur le bord
du sein.
3 commentaires:
Ah! ah! ah! tellement savoureux, Chantale!
Il est vrai qu'il ne faut pas lui accorder trop d'importance et, le traiter comme tu le fais, le fera sentir bien minable...
Les jours meilleurs sont à venir!
La vie et les personnes autour de nous sont notre carburant chaque jour pour maintenir un équilibre essentiel et harmonieux de soi. On vous garde avec nous, la Mauricie.
Votre histoire, racontée à votre façon, est incroyable, mais triste. Le dénouement actuel, soit la tuerie de votre cancer, est excellent !!
Lorsque ma mère s'est réveillée de son coma il y a 5 ans, elle m'a dit (après avoir repris ses esprits) :
Julie, les "roughs" sont les personnes ayant la plus grande force mentale, ceux qui s'en sortent et qui réussissent à passer à travers... tout se passe entre les 2 oreilles.
Bravo pour votre entêtement, c'est ce qui vous sauve !
Vous avez mon respect !
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