18 nov. 2010

Bouboule, le rescapé
« Alors voilà, du coup, nous avons dû le mettre sous perfusion car il avait une sérieuse diarrhée », me précise le vétérinaire, un ténébreux à la barbichette bien fournie qui avait un je-ne-sais-quoi de d’Artagnan, version Orlando Bloom.  Je l’écoutais en jouant nerveusement avec mon chéquier.  Perfusion?  Le malade, un chiot d’à peine plus d’un kilo récupéré dans un buisson, allait-il faire un trou abyssal dans mon compte en banque?
« Vous voulez le voir? ». Bien sûr.  Je ne me fais pas prier pour suivre le sosie d’O.B. jusqu’au grabataire.
Dans le fond de sa petite cage, le voilà, l’hospitalisé.  Il tremblote et ses oreilles pendouillent tristement.  Il n’a que la peau et les os.  « J’ai eu du mal à trouver la veine pour lui faire ses injections », poursuit-il.  Un autre mot qui fait tinter le tiroir caisse… Injections.
« Euh, pardon d’avoir des considérations bassement matérielles, mais une nuit à l’hosto, les injections et les perfusions, combien ça va coûter tout ça? ».  J’avais la trouille car je me voyais déjà avec un doigt bien coincé dans l’engrenage.  Le genre de situation où il n’y a pas de marche arrière.  Juste un bouton sur lequel il est écrit :  auto-destruction.  Aie!
« Attendez, je vais faire un petit calcul… ».  Et le voilà qui pianote avec légèreté sur la calculette.  Ah, l’animal!  (en parlant du vétérinaire…), il me fait le coup pour maintenir sournoisement le suspense. 
«Bah, si je le garde encore une autre nuit sous surveillance pour voir comment il reprend des forces, je vous dirais, hum... pas plus que 15 000 francs », dit-il, l’air satisfait de son évaluation.  Je retranche deux zéro pour convertir et je souffle un peu.  150 dollars, c’est cher, mais on est loin de la grande arnaque des cliniques du Québec.
« Bon, d’accord, perfusez! »
La petite cure, bien qu’onéreuse,  a fait des miracles.  Le malade est de retour à la maison,  en convalescence.  Il faut lui donner des suppléments alimentaires en plus de ses médicaments pour guérir la gastro-entérite.  Il a failli mourir deux fois, le pauvre.

Laissez-moi vous raconter comment on s’est retrouvé avec un mini chiot et une grosse facture.  Il y a une semaine, j’étais en véhicule avec chéri.  Le soir venait de tomber.  On arrive au coin de la rue pour aller au village et là, je le vois, petite chose blanche et noire au milieu d’un buisson.  « Arrrrrrêêêête! Y’a un chiot abandonnée! »  Chéri lève les yeux au ciel, sentant la soupe chaude.  « Il faut le récupérer, il va mourrrriiiiir ».  Il faut parfois braire un peu pour faire entendre raison à l’être aimé.  Chéri se range sur l’accotement et j’ouvre la portière pour foncer telle wonder woman sur l’animal en boule…qui s’enfuit!  Ah, le vilain!  Je n’ose pas aller me dépatouiller avec mes claquettes aux pieds dans cette mare à tricots rayés (de jolis serpents, si ce n’est qu’ils sont très venimeux) pimentée de scolopendres (un mille-pattes hideux comme un pou qui pique avec hargne).  À regret, j’abandonne.
De retour chez moi, je n’arrive pas à me pardonner une telle couillardise.  Mais il va mourrriiiir!  Cette seule perspective suffit à me faire passer une nuit atroce, plongée dans un rêve où les chiots abandonnés m’engueulent en pointant méchamment leurs pattes dans ma direction.  Au réveil, je ne fais ni un ni deux et j’emmène Clopinette et Princesse des îles vers le buisson de la Honte.  Et il est là!  Il est là!  Princesse des îles ne se laisse pas impressionner par le couinement aigu du chiot et l’empoigne pour le presser contre elle.  La petite chose se roule en boule.   Et c’est à ce moment précis que les dés sont jetés :  «  On va l’appeler Bouboule! »  Oh, la la!  Je viens d’adopter un bébé chien, moi? 

Je crois que je suis passée maître dans l’art du doigt dans l’engrenage!

1 commentaire:

Unknown a dit…

Quel beau geste! Et un ajout inestimable à votre magnifique famille! Félicitations!!!!