31 mars 2011

Profession : râleuse

C’est un arrêt obligatoire parce que la plage est si invitante : Poindimié.  Vous avez sous les pieds de minuscules coquillages jetés là par le roulis des vagues.  On y plonge les mains dans l’espoir de voir apparaître tout au fond de sa paume une pluie de nacre aux reflets crémeux.

Le soleil plombe juste au dessus de la montagne verdoyante.  On se croirait échappé de la jungle tellement la végétation est luxuriante dans ce coin de pays.  Les enfants sautent comme des grenouilles dans les bouillons de mer.  Les parents, tenté par un si joli tableau, finissent par succomber pour aller les rejoindre tout habillés dans l’eau.

Comble de bonheur, Chéri et moi sommes sur le bout de plage en amoureux.  Pas d’enfants! Nous avons même pris congé de Bouboule, c’est tout dire! 
Il est toujours aussi craquant, ce mari.  Je le regarde se baigner, moi qui suis assise sur un bout de serviette, les mains pleines de coquillages.  Ah, tiens donc…Il y en a une qui doit partager mon avis parce que je vois qu’il est en train de se faire mater par une autre femme.  Cause toujours, ma jolie…Il est à moi!

Regard circulaire sur la plage et j’aperçois au loin une femme en speedo.  Elle est frêle mais je la devine tout de même en forme.  Elle est bronzée.  Elle aussi a les mains débordant de coquillages.  Sa demie noix de coco est remplie de trésors à ras bord. 

En passant près de moi, je l’aborde.  Je veux jeter un coup d’œil sur ses découvertes…Elle a l’œil bien affuté parce que ses coquillages sont magnifiques.  Je remarque aussi que malgré sa silhouette juvénile, c’est une vieille dame.  Ah, la vache, j’aimerais être aussi bien conservée quand j’aurai son âge!

« Vous avez fait une bonne cueillette? »

Elle s’anime comme une fillette, contente de parler enfin à quelqu’un.

« Je fais le plein parce que je pars le weekend prochain.  Je vais les mettre dans ma valise »

Elle poursuit sur le ton du reproche :

« Mon fils m’a dit que je suis en train de vider la plage…non, mais qu’est-ce qu’il croit!  Que je vais m’enfuir avec le dernier!  Il travaille comme barman à l’hôtel, il a épousé une kanak.  Quel endroit!  Avant, ils étaient à Nouméa et c’était bien mais ici, c’est un trou, un trou je vous dis!  Ça fait six semaines que je fais les courses pour leur famille.  Il n’y a rien dans les magasins.  J’en ai ras le bol de manger du riz, des pâtes, de la s’moule!  Et il n’y a que des carottes!  Pas de fruits, pas de légumes!  Non, mais qu’est-ce que c’est que ce bled perdu!  Et Hienghène, soit disant que c’est beau!  C’est encore plus perdu!  Il faut faire 300 bornes pour aller jusqu’à Carrefour à Nouméa et faire des emplettes qui vaillent la peine et encore là, je vous dis pas!  C’est cher!  Moi, madame, je ne reviens plus ici…. »

J’ai noté son léger parkinson pendant sa complainte.  À moins que ce ne soit simplement l’émotion de quitter ce « trou » comme elle dit…

Et bien moi, madame la parisienne, je le trouve joli cet endroit même si les carottes, je les mange en purée, en salade et en gâteau.  Vous êtes une râleuse.  Un éclair de six semaines sans se laisser émouvoir par toute cette beauté?  Retournez à Paris, c’est le pays des râleurs.  Vous y serez beaucoup mieux.

« Alors bon retour chez-vous! », ai-je répondu à la vieille dame à la silhouette de jeune fille.

Elle a fini par sourire et dire merci.

1 commentaire:

Alain Dufresne a dit…

Yankee de Paris... go home!