17 mars 2013

Jouer au moine chez les Sœurs


Avouez que j’ai une gueule de moine avec mon crâne Kojak… Est-ce à dire que je suis plus spirituelle que n’importe quel autre chevelu? A défaut de l’être, j’ai le désir de le devenir.  Je veux trouver le secret de la Caramilk de la paix intérieure.    Certains convoitent les chaussures griffées ou les bagnoles hors de prix, moi j’ambitionne dénicher cette cape invisible qui me rendra invincible, l’Épanouissement de la Quinquagénaire.  Si le zen était en vente, j’en achèterais une boîte de douze. 

« Combien pour la douzaine de zens? »

« Vous tombez bien :  ils sont en promotion cette semaine.  150 dollars la douzaine. »

« Je la prends!  Vous me faites un joli paquet, s’il-vous –plaît? »

Je m’imagine avec ma douzaine de zens sous le bras, gage de sérénité pour les mois à venir.  Zen, mot simplissime et pur, promesse de douce ivresse baignée de bonheur béat.  Le mot qui fait sauter la cagnotte au Scrabble et procure une infinie satisfaction pour la joueuse paresseuse que je suis.  Zen, mystérieuse chimie d’une pensée magique venue d’ailleurs, la science d’une plénitude renouvelées,  comme un sablier que l’on tourne et retourne, le plein/le vide/le plein/le vide… Séquence parfaite pour reproduire le bonheur.

« Elle est complètement barjo depuis sa dernière chimio… » penserez-vous.  Il y a de quoi devenir gaga, c’est vrai.  Je vais bientôt renouer avec des petits plaisirs magiques qui sont le sel de la vie.  Grâce à la lente remontée de mes précieux globules blancs, je vais aller danser d’ici quelques semaines dans un bar bondé, plein de microbes.  Autre péché :  manger des sushis crûs en buvant une petite lampée de vin blanc.  Mordre dans un steak saignant.  Recommencer à jogger.

Mais en attendant, je me suis payée un petit luxe :  une cure de silence.  Deux jours complets chez les Sœurs de l’Assomption.  Au moment où j’ai bouclé ma valise, j’ai failli y planquer des séries télés pour les regarder sur mon ordinateur… Mais j’ai finalement opté pour les bons vieux romans et des magazines, des vieux exemplaires de Philosophie et Psychologies.

Je suis passée du joyeux bordel de ma petite cuisine à Trois-Rivières à cette chambre austère en moins de vingt minutes.  Première séance de méditation?  Dormir!  Après la sieste dans un rayon de soleil, la cure de silence s’invente par elle-même au fil des horaires de repas et de prières.  Pauvre Jésus, je suis une piètre compagne pour le dialogue silencieux dans la chapelle… J’y ai fait un saut de puce pour entendre la voix cristalline des religieuses et j’ai finalement enfilé mon gros manteau, ma tuque et mes mitaines pour aller marcher dans le bois.  Un grand pic bois à tête rouge m’a saluée au passage, comme pour m’encourager à affronter le vent de mars qui n’a encore rien perdu de son mordant.

Que suis-je venue chercher dans ce lieu où la frugalité fait foi de tout?  J’aimerais pouvoir faire surgir la Chantale-avant-le-cancer avec sa candeur naïve, presque nunuche par moment, mais légère et confiante.  Cette femme-là est encore en moi mais elle est en train d’apprendre de nouvelles leçons :  ne pas faire de projet, c’est déjà un projet.  Remettre à demain peut réserver d’agréables surprises.  Rien ne sert de courir, il suffit de marcher un peu plus longtemps.  Simplement s’arrêter, c’est déjà prier.

2 commentaires:

Lynda Blais a dit…

Merci pour ces belles lectures...J'ai appris la sérénité avec une amie qui m'a laissé une belle place dans sa vie et maintenant je la nourris en te lisant.

simplement,merci

Anonyme a dit…

Bonjour Chantale,

La lecture de tes textes fait du bien. J'aime beaucoup te lire. J'apprécie particulièrement le dernier paragraphe de ce texte..ça m'a touché...

Je t'embrasse fort et je t'envoie beaucoup de soleil et de la chaleur de NC! Ciao x

Marie-Josée