2 juin 2013

Gros Big

Une tête frisée façon champignon atomique, les yeux cernés, la canine qui retrousse :  la fée des chiens a oublié de se pencher sur le berceau de Big, notre caniche/bichon adopté à la SPA il y a 3 semaines pour cause d’abandon. 

« Ouach!  Il est vraiment laid! ».  La petite phrase assassine ne nous atteint pas.  Je dis « nous » parce que Big fait maintenant partie de la famille et sa laideur est un signe de distinction que nous revendiquons.  Notre chien a du panache et sa dégaine de vieux chanteur des années yé-yé nous procure de savoureux moments pendant lesquels nous apprécions l’authentique nature du caniche gai qui n’a pas peur du ridicule pour faire rire la galerie.

Mais il n’a pas que des qualités… Sa première sortie propre lors d’un souper chez les grands-parents lui a valu la palme du chien le plus fripon.  Il a cependant un alibi.  Je crois sincèrement que le gazon de mon père rend les chiens « stone » tellement il est vert et parfait.  Genre green de golf moelleux comme un tapis shaggy, doux comme les cheveux d’une fille dans une pub de shampoing, délicieusement frais et qui hurle :  roule toi dedans comme dans les draps d’un lit dans la playboy mansion.  A Go, tu jouis!

Big n’a pas résisté.  Il s’est roulé dans l’herbe et je pense même qu’il en a fumé.

Après sa partouze dans la pelouse, il a étrenné son cerveau de chien de cirque pour nous faire son numéro.  Fatiguée de le voir courir comme un poney miniature sur stéroïdes, je décide de l’envoyer dans la maison en tapotant deux ou trois coussins sur le canapé, histoire de rendre son retrait préventif plus agréable.

"Voilà mon Big!  Un ti-roupillon et on va s’aimer encore dans une heure, dac?", lui roucoulais-je.  Je ne peux pas le jurer, mais je crois qu’il m’a fait un doigt d’honneur à ce moment là.  Difficile à dire, il a toujours l’air de sourire avec sa dent qui fuit sur la babine…

Et c’est là Mister Big est devenu Mister…. Big Trouble!

Nous avons fini le repas dehors sur la terrasse couverte d'une moustiquaire.  Ma mère prend le poulet – où ce qu’il en reste… - et apporte le plat à l’intérieur de la maison.  Pose  le plat sur le comptoir.  Retourne à son verre de vin.  Papote.  Pendant ce temps, Big n’obéit plus qu’à un désir :  son museau est aussi excité que celui d’une mouffette qui trébuche dans une talle de vers blancs sur un parterre de Trois-Rivières.  Direction :  carcasse de poulet!  Un peu plus haut, un peu plus loin, comme chante Ginette Reno.  Et Big sait sauter.

On est dehors à siroter les derniers rayons de soleil en comptant les couleurs qui colorent l’horizon.  Pendant ce temps, mon mutin avait apporté son pique-nique sur un fauteuil pour y nettoyer chacun des os avec le même  acharnement qu’un Hannibal Lecter.  Puis, il file vers la sortie aussitôt que la porte s’entrouve, laissant le cadavre derrière lui.  Je le rattrape pour l’attacher à son arbre préféré…et il s’enfuit encore.  En fait, il ne s’enfuit pas, il fait plutôt le circuit du 24 heures de Daytona en courant comme un dingue autour de moi, trop heureux de retrouver son carré de pelouse.  Je rigole un peu mais j’essaie d’avoir l’air d’une matrone pour qu’il me prenne au sérieux.  Je voudrais bien lui faire donner la patte en ce moment pour montrer à la galerie incrédule que je suis une bonne mère pour ce chien complètement petté qui a fait une overdose de poulet.  Nul ne sait encore que le chien s’est empiffré comme s’il avait participé à un concours de mangeurs de hot dogs.

Mais la vérité éclate.  Ou plutôt, mon chien déborde.  Il vomit sur le gazon parfait et repart à courir comme s’il était un danseur dans un clip de Madonna.  Et il fonce dans la moustiquaire de la véranda de mes parents.  Et le déchire.  Ah!  Quelle finale!


Notre premier souper s’est terminé sur la banquette de l’auto.  Et c’est lui qui était au volant pendant que je finissais mon dessert.  Après coup, j’aurais bien voulu le mettre dans le coffre pour ne pas voir sa face de chien laid dans le rétroviseur mais il a finalement fini par se lover sur le siège arrière entre mes deux filles.  C’est plus fort que nous, on l’aime.

De retour à la maison, je lui fais faire sa petite promenade.  Étant donné qu'il a cassé son collier, je lui mets une ceinture de filles autour du cou pour y attacher sa laisse.  Il a vraiment l'air d'un con et je l'aime plus encore.

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