Il y a eu l’été de mes 7 ans, celui où j’ai vu mon
grand-père en bédaine besogner en pleine canicule pour bâtir notre maison avec
mon père. Ce n’était plus une jeunesse
mais il pouvait encore enfoncer un clou en moins de 3 coups. Han-han!
C’était l’été de la liberté.
Fini le village et ses trottoirs qui étouffaient les pissenlits entre
les craques. Je déménageais en « banlieue »
avec en prime, la lisière d’un petit
bois. Nous n’avions pas de piscine alors
c’est là que j’allais me réfugier prendre un bain de fraîcheur.
Il y a aussi eu l’été des Olympiques de Montréal. Je traînais devant la télé mon envie de
devenir une athlète de haut niveau. Je
simulais dans la pelouse les sauts en
hauteur du canadien Greg Joy. Je saluais
la foule en cambrant les reins comme Nadia Comaneci. Je chantais « je t’aime, yes I love you »
en baragouinant la suite dans une cacophonie de syllabes gutturales.
L’été du premier amour.
Son regard a éveillé des papillons voletant entre la tête et le bedon. Tous les étés suivant n’ont jamais effacé le
souvenir sublime de son baiser, un échange chaleur/fraîcheur bien dosé, ferme
et pas trop moite. Et sa main brûlante
sur ma peau.
Quelques étés plus sombres: celui du premier chagrin
amoureux. Comme une déchirure au ventre. L’été de ma fausse-couche, quelques années
plus tard, aura le même effet de brique au visage.
1996: l’été des premières fraises cueillies par mon fils. Sa bouche gourmande, ses bisous odorants, ses
petits doigts maladroits tirant sur les fruits.
Le jus rouge sur le bout de son menton.
Quelle belle saison pour les traditions! Elles déferlent comme les vagues de Cape May,
tonitruantes et trop brèves, excitantes :
les vacances à la mer en famille, les ventes de garage, le pique-nique
aux moustiques dans les cascades au Parc de la Mauricie, les garden parties
bien arrosés, les feux de joie au camping du mont Ham-sud, les histoires de
grenouilles et de couleuvres, le jogging dans la rosée du matin.
Il y a trois ans, nous avons vécu l’ultime été, celui de nos au revoir avant le départ pour la Nouvelle-Calédonie. La veille de notre long vol, nous avons
marché dans notre maison vide et jeté un coup d’œil sur nos dix valises. C’était donc ça le lâcher-prise? Quelle vertigineuse sensation…
Puis, nos étés se sont effacés au profit d’un climat tempéré. Toujours beau, toujours chaud. Quelques petits matins frisquets pour nos
pauvres corps si rapidement tropicalisés.
Vous comprendrez l’émerveillement que je ressens en renouant
avec la belle saison. C’est un été
généreux parce que je retrouve ma santé.
Après un hiver où je me suis sentie comme une prisonnière en Sibérie, la
tête pelée, hébétée par la chimio, sonnée à cause de cette impression d'être soumise à une
attaque au napalm dans mon corps, me voilà gorgée de rayons de soleil.
J’ai planté des fines herbes en pot pour donner l’odeur de l’été
à tous mes plats. Trinqué au dessus d’une
montagne de homards en mai. J’ai
volontairement régressé en trahissant un plaisir coupable, la poutine…Repris
deux fois de la pouding aux bleuets bio chez mon amie Sophie. Je suis allée manger mes émotions en faisant
craquer le chocolat noir sur une crème molle.
Pris des déjeunes sur le pouce en ingurgitant des smoothies fait maison
sur le chemin du travail.
Parce que oui, cet été, j’ai repris le travail. Le BONHEUR!
Un micro, des complices, l’étincelle qui jaillit parfois au fil d’une
entrevue bien torchée. Bien sûr, je me
suis retrouvée avec des mots coincés dans la bouche de temps en temps mais tout
ça finissait par un grand éclat de rire et on recommence, voilà tout!
Définitivement, je n’oublierai jamais l’été 2013. L’été où je me sens renaître dans mon corps de
quinquagénaire. Toujours aussi avide des plaisirs glanés, des souvenirs un peu fanés. Bousculée par la vie mais
heureuse d’être là pour vous en parler.
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