23 oct. 2010

J’ai un amour qui ne veut pas mourir
C’est une rumeur qui est arrivée aux oreilles de ma pauvre mère : le Nord, c’est moche. Elle était dans tous ses états en apprenant que les gens ici buvaient comme des éponges pour ensuite envahir les routes du coin en semant la panique partout où ils passaient. Une contrée désertique peuplée de cowboys sans foi ni loi. Ah bon? Vrai que c’est moche par endroit. Vrai qu’il y a des saoulons déjà bien imbibés sur le coup de 18 heures. Vrai que les trois heures qui nous séparent de Nouméa pèsent parfois lourd. Mais brousse ne rime pas avec frousse. Mes enfants vont à l’école avec la jeunesse des tribus du coin, je fais mes emplettes chez Adjan, le gentil proprio de New Wave qui arrondit parfois la facture pour me faire sourire, j’éclate d’un bon rire avec les fonctionnaires de l’OPT et je réponds avec joie aux klaxons joyeux des travailleurs qui me saluent pendant mon jogging. Il y a ici des gens fiers et bons , attachés à leur communauté et qui sont de véritables citoyens actifs. J’aime cet endroit. J’aime voir la montagne aux humeurs changeantes qui domine Koné. Parfois sombre et perdue dans un épais nuage ou encore plus grande que nature avec ses sommets inatteignables. J’aime les chevaux sauvages qui broutent sur le bord de la rivière mangée par les nénuphars. J’aime les jardins secrets et touffus d’où sortent parfois des coqs têtus qui courent sur les trottoirs. J’aime la baboune de la caissière du marché centrale même si elle m’exaspère…Et j’aime plus que tout papoter avec Anna qui me raconte que ses varices la font souffrir. Dieu qu’elle est belle avec sa jolie peau blanche et fripée dans ce pays pourtant noir! Et j’aime aller traîner au Tumbala café. C’est là que je fais mes tête-à-tête avec mes enfants pour entendre le récit de leur péripéties. La dernière fois que j’y suis allée, j’étais avec Princesse des îles. Elle en avait des choses à dire sur sa nouvelle école, les Flamboyants. Au moment où j’allais régler l’addition, la musique d’ambiance s’est mise à dérailler. La serveuse part vers le lecteur et glisse un autre disque. Surprise : c’est Renée Martel! Un vieux succès vinyle des années 60, « J’ai un amour qui ne veut pas mourir ». Les accents nasillards qui emplissent soudainement le Tumbala font monter en moi des larmes de bonheur. Je suis là à Koné, plongée par magie dans l’insouciance de mes 5 ans alors que tante Fernande ne se lasse pas de faire jouer et rejouer son 45 tours. Je suis ailleurs, loin de tous mais vous m’habitez toujours. Pas question de perdre le nord. Je le laisse plutôt me gagner peu à peu.

Aucun commentaire: