10 sept. 2013

Dire tout haut qu'on a pleuré en silence

On m'a demandé d'être la présidente d'honneur d'un événement bénéfice pour le fonds Francine-Lachance.  J'espère un jour arriver à la cheville de cette grande trifluvienne qui a mordu dans la vie jusqu'à la fin tout en jetant les bases d'un mouvement de solidarité entre les gens d'affaires de ma région.  

Voici mon message à l'occasion du défilé mode au Carlito:



C’est un jour comme un autre.  Vous faites votre jogging en jouant à la marelle sur les flaques de soleil. 

Vous embrassez vos enfants, ivre de fierté et d’amour.

Vous enlacez votre amoureux, une vieille habitude qui révèle une fois de plus la petite flamme qui brûle toujours en vous.

Vous parlez de bonheur comme on discute de la météo :  avec ses hauts et ses bas.

Vous faites des projets comme on construit des autoroutes, avec un plan en main et l’idée de faire en grand.

Vous allez vite, évidemment.  Pressée de vivre.  Obligée de tout faire en même temps.

Et lorsqu’on vous demande  si vous êtes heureux, vous ne prenez même pas la peine d’y penser.  Vous dites tout de suite…Bien sûr!  Regarde moi, j’ai tout ce que je désire.  Je flotte.

Jusqu’au jour où l’enclume vous tombe sur la tête. 

On vous dit « cancer » et vous comprenez « galère ». 

Ce n’est pas la fin du monde mais le monde tel que vous le connaissez ne sera jamais plus le même.  C’est du moins ce que vous apprendrez au fil des jours de cette aventure tortueuse.

Les médecins félicitent votre chance :  c’est un stade 1, une puissante gifle qui va vous coucher pendant quelques semaines, voire quelques mois mais vous vous en sortirez.

Vous n’allez pas mourir.  La vague de fonds du tsunami ne va pas vous engloutir.

Mais elle va balayer vos croyances les plus profondes.  Faire germer en vous un mal de vivre,  une angoisse sombre et des humeurs toxiques sur fond de jours gris. Vous traverserez un mois de février glacial qui ne semblera jamais se finir. 

Heureusement, il y a un bout à tout, même à l’éternité. 

Mars arrive enfin.  L’ombre d’un timide printemps colore les jours.  Telle une marmotte endolorie, vous sortez de votre terrier.

Un jour, vous vous essoufflez en attachant vos souliers.  Et le suivant, vous voilà en train de courir.

Dans ce grand corps malade, une femme se réveille.  Plus rien ne sera comme avant alors mieux vaut faire connaissance avec cette étrangère.

Un peu de rose sur les lèvres, un trait de crayon sur les paupières que l’on trace comme un symbole sur la peau d’une guerrière. 

En passant une main sur le duvet naissant de votre crâne, une évidence:  cette femme qui renaît, c’est moi.

Mon nom est Chantale Carignan.  Je fais partie désormais partie des statistiques du cancer.  Je ne suis pas la seule, mon mari aussi est passé par là.

A travers les larmes, j’ai appris à goûter à la douceur des petits et des grands bonheurs.  Un goût de sel et de miel.

J’ai fait du moment présent mon pain quotidien. 

Et les projets en forme d’autoroute?   Ma famille vous le dira :  rouler en Westfalia sur une petite route tranquille, c’est déjà le début de l’aventure.  Dans toute cette histoire, ils sont devenus mes héros. 


Autoroute ou chemin caillouteux, l’important c’est de regarder droit devant.

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