20 mai 2011

La crise d’octobre, version kanaky

Retournons en 1970 lors des événements qui ont bouleversé tout le Québec.  Des « cellules » felquistes, deux enlèvements, un mort.  L’armée dépêchée par Trudeau avait des allures de bonhomme 7 heures.   Je venais d’avoir 6 ans.  Il me semble que j’entends encore la voix chaude du présentateur Gaétan Montreuil campé dans son studio noir et blanc lisant le communiqué du Front de libération du Québec.  Un monument de dignité même s’il devait débiter du joual sur les ondes de la très sacro-sainte Radio-Canada.   J’étais sûre en l’écoutant qu’il y avait un méchant terroriste en chemise à carreaux caché sous le divan du salon. 

Le FLQ avait mis la table avant d’en arriver à ce dramatique mois d’octobre.  On rapporte que 200 crimes violents avaient été commis depuis 1963. 

La Nouvelle-Calédonie a aussi eu sa période trouble.  De 1984 à 1988, des indépendantistes kanaks et des membres du FLNKS (front de libération national kanak et socialiste) font les 400 coups.  Brûlent des stations services.  Bloquent des routes.  Brandissent les drapeaux nationalistes.  Affrontement, état d’urgence, couvre-feu.  La totale.

Puis, c’est le dérapage.  Les militants indépendantistes prennent d’assaut une gendarmerie.  Quatre gendarmes tombent sous les balles.  L’affaire ne se termine pas là :  16 autres seront pris en otages dans une grotte à Ouvéa.  Mais les ravisseurs n’auront pas le dernier mot.  une escouade tactique débarque comme dans un film de Rambo et tire sur tout ce qui bouge.  19 morts.  Douze preneurs d’otages seront exécutés sommairement d’une balle à la tête.  Un porteur de thé de 18 ans aura la malchance de se trouver dans le viseur de cette escouade d’élite.  Après quelques balbutiements d’une vague négociation pour exiger une reddition, on a sorti l’artillerie lourde.  Un dialogue?  Trop long.  On fonce dans le tas et on procède au nettoyage.

Pourquoi cette tuerie?  La France était alors en pleine élection présidentielle.  Le Front national de Jean-Marie Le Pen faisait ses choux gras avec cette histoire de prise d’otages.  Alors le premier ministre Chirac a appuyé à fond sur l’accélérateur pour que son gouvernement ne perde pas la face.  Ce n’est jamais bon pour  l’image lorsque  l’autorité est bafouée dans un territoire d’outre-mer. 

20 ans après ce qui est convenu d’appeler ici du bout des lèvres « les événements », le successeur de Chirac, Michel Rocard, va révéler que deux blessés kanaks ont été achevés à coups de bottes par des militaires français.  L’amnistie passera un grand coup d’éponge sur ce dérapage.

Imaginez un instant que la crise d’octobre se soit terminée dans un bain de sang.  Un officier de l’armée qui traîne un blessé felquiste et qui l’enferme vivant dans son cercueil. Un autre que l’on achève à coups de pied.  Répétez ce scénario une douzaine de fois.  Auriez-vous eu un petit soupir de soulagement en apprenant qu’au bout du compte, 19 membres du FLQ aient été tués?

Pas sûr.  Même si vous avez vous aussi imaginé qu’ils étaient cachés sous votre divan.

Aucun commentaire: