3 juil. 2011

Partir avec une seule valise

Coup d’œil circulaire dans la maison alors que mon regard embrasse tous les objets qui m’entourent.  Je les imagine emballés, ficelés et organisés avec une précision inouïe pour recréer un tétris sans faille.  Un tabouret bancal échappé par mon fils, deux fauteuils en cuirette que je me revoie en train de charger sur un minuscule caddy parce que c’était « une bonne affaire » (alors que mes cuisses collent dessus…), les pôles de rideaux où j’ai glissé des bouts de tissus pour faire diversion sur le crémeux trop lisse des murs, un banc de quêteux chiné à Windsor dans la grange d’un antiquaire-sosie-de-Jésus-Christ (et dont je ne peux me séparer tout comme ma bible compacte et un vieux rameau), un miroir en forme d’étoile dans lequel personne ne se regarde pour replacer une mèche rebelle, trois boîtes balinaises rouge bonbon qui ne servent à rien sinon à attraper la poussière et la dernière coupe à porto de belle-maman qui a échappé à mes fréquentes casses.

La question qui tue : après avoir pesé le pour et le contre du pratico-pratique et des bons sentiments rattachés à chacun de ces objets, y aura-t-il encore une raison valable pour leur faire traverser la moitié de la planète sur un cargo, atterrir dans un port encombré, se faire trimballer par de vaillants débardeurs, être livrés, délivrés et….finalement oubliés?

Poser la question, c’est déjà y répondre.  Il y aura du « donner au suivant » pour faire de la place.

Je dois reconnaître que l’inventaire des biens inutiles pose problème.  Ce caillou rond comme une bille cueilli par Chéri sur la plage de Mount Desert Island qui me suit depuis 20 ans?  Mes vieux posters collectionnés en Europe qui tapissent tout un mur?  Une liasse de vieilles lettres d’amour pour me rappeler que j’ai eu une autre vie que celle-ci? Les albums photos des enfants alors qu’ils avaient des bouilles de bébés et moi le front lisse?  Comment tout cela a-t-il pu se trouver ici en Nouvelle-Calédonie?  Je me le demande sans trop vouloir comprendre. Ce sont des jalons posés ça et là qui me rappelle ce que j’ai déjà été :  une nouvelle mariée à qui l’on offre un caillou plus solide qu’un diamant, une étudiante éperdue de découvertes à travers le monde, une jeune femme qui a enfilé les amoureux comme des perles sur un collier sans savoir comment les attacher.  Une maman qui s’émeut devant ses chérubins.  Ce ne sont que des images, des souvenirs qui s’effritent.  Les enfants viennent au monde et finissent par partir eux aussi, valise au poing, cœur vaillant, faisant  à leur tour l’inventaire des trésors.  Ils sont touchants lorsqu’on les surprend embrassant leur premier amour sans jeter un regard en arrière.  Il y aura toujours les albums photos et les lettres parfumées d’émois pour se souvenir de la douceur de leur peau et de nos propres battements de cœurs affolés. 

S’alourdir ou voyager léger?  

Il faut parfois savoir conserver les choses inutiles pour se rappeler la douceur de la vie.

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