5 févr. 2012

Remettre les pendules à l'heure

C’est dimanche au Québec alors qu’on est déjà lundi en Nouvelle-Calédonie.  Vous prenez votre apéro et je sirote mon deuxième café.   Méga dé-ca-la-ge.  Revenir est une étrange expérience.  Ce n’est pas tant le fait d’avoir à avaler les trois quarts d’un cadran d’un seul coup qui me plonge dans cette drôle de torpeur.  Je tangue comme un paquebot, encore chamboulée d’avoir vécu plus d’une journée complète dans les airs.  Il n’y a que les astronautes qui sont entraînés pour faire autant d’heures de vol!  ça fait wouche! wouche! dans mon oreille interne avec la houle des derniers jours. 

Mais ce n’est pas là le pire de mes soucis.  Le vrai décalage, c’est de se dire qu’on est ici alors que notre famille, nos amis, les paysages de neige et l’intrigante pelote de racines pur québec , et bien tout ça est resté là-bas.  J’ai encore des frissons rien qu’à penser que je les tenais dans mes bras il y a quelques dizaines d’heures à peine. 

Le frigo est vide.  L’herbe pousse sous mon nez pour me narguer.  Il y a un cadavre de cafard dans le fond de ma bagnole crottée.  Les factures impayées jaunissent dans la boîte aux lettres.  Et il faut que je traîne mes claquettes derrière le caddie pour trouver une salade et trois branches de céleri. 

Welcome home.

Comment se repulper le moral après six semaines douillettes enroulée dans les pulls laineux?

D’abord, se planquer.  Ermite assignée à résidence.  On sort pour le strict minimum.  Faire les courses dans le seul et unique but d’assurer la survie de la tribu.  C’est fou ce qu’on peut faire avec un kilo de carottes.  Je les ai cuisinées en salade, en gâteau et dégoulinantes de beurre.

Puis, aller se guérir à la plage.  La cure Pindaï fait des merveilles.  Ce ruban de route rouge encadré d’arbres rabougris menant tout droit vers les flots turquoises, c’est une pilule de bonheur.  Ne regardez surtout pas vos mollets blanc fluorescents, ça va vous saper le peu de bonne humeur qui subsiste en vous.  Respirez.



Couchée sur votre natte, le nez plongé dans vos vieilles revues,   vous tomberez alors sur un article qui fait l’inventaire des plus belles plages du monde :  Bora Bora, les Seychelles, sans oublier les tout-inclus de la République Dominicaine.  A ce moment précis, il y aura une volée de poissons sautillant qui vous arrachera de votre palpitante lecture.  L’œil humide, la bouche en « o », vous réaliserez alors que votre plage à vous ne va jamais faire ce palmarès… Et c’est tant mieux. 

Sur le chemin du retour, au volant de votre véhicule poussiéreux, vous fredonnerez Aznavour :

Emmenez-moi au bout de la terre
Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil

Le rétroviseur vous renverra alors l’ombre d’un sourire qui danse au coin de vos lèvres.  Et là, vous saurez que vous êtes sur la bonne voie.   On finit toujours par guérir d’un décalage de 16 heures.

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